ANGOULÊME – L’EMOI photographique, un Festival ouvert sur l’Histoire et les histoires

 

Pour sa cinquième édition, du 25 Mars au 30 Avril, le Festival L’Emoi Photographique se déploie principalement au centre de la vieille ville d’Angoulême, en hauteur, bordée de remparts, la ville haute se dessine au travers des petites rue pavées. Une grande partie des expositions  se tient dans le centre historique de la vieille ville, à deux pas de la gare TGV, Le Musée lieu majeur de l’Histoire accueille «  la dernière carte » de Warren Sare.

Petites histoires et grande Histoire se croisent dans la programmation, en tout, pas moins de 24 expositions dont 21 sont issues d’une sélection faite suite à un appel à projet, trois sont des invitations: Warren Saré et ses tirailleurs sénégalais, Jean daniel Guillou, le retour du docteur Lim au pays des khmers rouges soigne gracieusement les gens dans sa « jonque » hôpital et Jean Michel Leligny expose 12 portraits de femme ayant la quarantaine.

D’une excellente tenue sur le plan de la programmation et dans le continu du lien qui unit le festival à la région, Peggy Allaire, directrice artistique du Festival, secondée par Yann Calvez, commissaire technique, incarne les valeurs liées aux choix établis par une pertinence partagée et ambitieuse;  le festival est une porte ouverte sur toute une photographie prenant à bras le corps de vrais propos construits et pertinents, faisant état de problématiques difficiles (l’exploitation, la maladie, l’image de la femme après 44 ans, l’Afrique, l’Art etc…) aux quels le public répond très positivement. Ces expositions sont liées à la pleine intégration de l ‘événement dans une actualité artistique riche, avec notamment l’ouverture du mois de la photo du Grand Paris qui suit dans le calendrier et font d’Angoulême, l’Émoi photographique, un festival militant exposant une pluralité discursive d’excellents travaux. La facilité d’accès aux lieux et leur dispersion dans le centre ville ont rendu leur visite facile et agréable. C’est dire que tout était prévu et fait pour que ce Festival soit un moment d’échanges et de découvertes, dans une belle convivialité. toute la programmation sur www.emoiphotographique.fr

24 expositions, 14 lieux

Le festival L’Emoi Photographique s’ouvre ce samedi 25 mars, avec visite itinérante inaugurale à 14h au départ de la MPP, et dure jusqu’au 30 avril, avec 24 expositions réparties dans 14 lieux. Tout est gratuit, sauf l’entrée au Musée d’Angoulême.

Extra/Ordinaire de Cristophe Hargoues

 

Extra/Ordinaire de Cristophe Hargoues

 met en scène l’univers mental et fantasmatique de personnes atteintes de graves maladies dégénératives dont trois sont décédées depuis.Tout homme a droit à son imaginaire. C’est à travers cette assertion que Christophe Hargoues travaille à une réhabilitation de la persona de ses protégés. Ces « malades » interprètent leur propre personnage, projeté et mis en scène par le photographe,(on pense à Kubrick) en pleine fantasmatique, acteurs et sujets de ces scènes, dans une référence au cinéma . Chaque composition a pris des mois à se « monter », comme un événement dans le cadre de l’institution.Tout est juste, sans ostentation, une forme de performance se lit entre les lignes. Christophe Hargoues contribue à une thérapeutique par l’image  en libérant l’imaginaire, à travers la scène fantasmatique, devenue réelle le temps de la prise de vues….On imagine la jouissance de ce « fuck off » prononcé à la maladie et le regain de vie inscrit dans le projet. Football américain, hard rock, armée, sexes, sont réintroduits  dans l’ univers médical aseptisé…où le silence règne en maître….. et l’on mesure la formidable énergie, la détermination de l’auteur, pour porter ce projet dans le temps. Sa photographie pourrait illustrer nombre de magazines sur la dépression; un coup de tonnerre dans un ciel bleu rappelle que notre société ne veut pas voir, ne veut pas entendre ceux qui tombent, comme au champ de le vie, dans l’oubli et le silence. Et pourtant, en dehors de tout lien familial, nous sommes ce qu’ils sont. Dans ce travail, le photographe fait preuve d’un humour et d’un amour qui touche, il cout cet imaginaire,  qu’ une forme de cynisme ambiant recouvre, et offre une réparation au corps social.

www.christophehargoues.fr

Hous’us de Cushmok

 

Et Voilà que se présente le travail le plus abouti de  ceux aperçus jusqu’à présent Hous’us de Cushmok.  Le nom évoque Beckett ou le Schmürz, dans le théâtre de Boris Vian, ce personnage voué à la solitude.  Sorte de figure de plâtre, masque vivant, tout un imaginaire se trouve ici concentré en la figure du clown blanc, qui se serait rigidifié au fil du temps, impassible devant l’existence, se posant les questions de la vie, du jeu, de la représentation et de la mort.

Le voici seul, face camera, sous une danse de chapeaux melons noirs, référence magritienne, bras écartés, mains grandes ouvertes, regard fixe, figure de l’éprouvant mystère, de la fascination, le personnage souffle sur les peurs enfantines pour s’emparer des petits enfants et recevoir en même temps un baiser salvateur, pourrait on croire, où tout ceci n’apparait que comme jeu et théâtre, répondant d’une tension, contes pour enfants ou contes pour adultes, et d’une réparation. Le mime est impassible. Dualité de la démarche… Tout ceci est joué et se désigne comme tel, théâtre de l’absurde, tragi-comédie…ironie mordante et un peu glabre. Le jeu de l’intériorité et du masque dessine un univers mental dédié au trouble, au glissement, à la folie possible, à la fracture du réel, à son résumé en une image simple, analytique, mettant en scène peurs, départs et rencontres du surréel, poétique froide et distante,  dans une tension palpable, dépensant un cri rentré et muet, qui, effraie en se singularisant…La logique interne de l’action de chaque photographie, de chaque scène répond d’une autre logique, celle de l’absurde et plus généralement du rêve.

Ne sommes nous pas, en nos jardins secrets, encore et toujours ces enfants tiraillés par la nuit, inquiets d’un craquement de parquet, du mouvement d’un rideau dans la pénombre, de la présence de la lune pleine, dans le ciel froid de l’hiver. Et cette lumière d’argent, n’est elle pas celle qui inonde le personnage de l’intérieur, placé sous cet égide? Personnage à la silhouette de pierre, illuné, lunaire, lunatique, Pierrot issu du souvenir de la Comedia del Arte, figure improbable, fantôme, vampire à la Murnau, Fantomas, on le voit, cette silhouette là traverse en l’interrogeant tout un champ sémantique et littéraire… et glisse, imperméable à l’auguste raison. Toute la série est réalisée dans un grenier, une petite pièce nue et délabrée, où tout un imaginaire se prête, complice d’un lever de rideau attendu, quand IL apparait…Le personnage est connexe, il hante ce fonds grégaire et tout à fait populaire des mythes et mythologies urbaines, saillantes. son silence est sidérant. Il n’est qu’ombre portée, marionnette, figure, drolatique et sévère, mais toujours imprécative de la part d’ombre que porte le sommeil, bientôt devenue cette distorsion du mauvais rêve…une figure flotte, fantomatique dans le sommeil de la chambre…. BRRRI…

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Certaines images sont incertaines, illisibles au terme de la scène évoquée, le sens s’ opacifie, l’image flotte à la lisière de ce que je crois comprendre de la situation racontée, de ce qui ne fait pas sens pourtant; je reste imperméable à sa proposition et en même temps, le contenu se densifie, renvoyant à la logique du rêve. Tout ceci m’est connexe, pourtant cela m’échappe, paradoxalement me ramène sans cesse au point de fuite, quel est donc cet élément qui manque à ma raison, à mon esprit cartésien, pour qu’il appréhende enfin la scène, rejoigne le cercle de sa raison bienveillante, l’éclaire pour pacifier l’inquiétude, qui, tout à coup m’a traversé? Vertiges, un pan de réel tremble dangereusement, ces peurs là ont la vie longue…ici, Monsieur, on refroidit à volonté…. il faut s’assurer du monde, ne pas satisfaire au jeu bizarre et dangereux de la proposition photographique, ces images sont hantées, mais un point demeure, et si … pour que le sens m’apparaisse enfin; l’évocation de la grande solitude est cathartique, le théâtre en délivre, il faut jouer la pièce de ce théâtre pour continuer à vivre, normalement….

  En reprenant ce personnage, Cushmok se met en scène dans un espace épuré, simplifié, ouvert aux rapports que la solitude de l’âme propose au Narcisse métaphysique et dont la chute annoncée ne peut être qu’un jeu de miroir, une disparition, résultant d’une mise en scène.  Un grand pouvoir de suggestion répond à cet illusionnisme de l’image en faisant l’illusion par la quelle une part de nos questions métaphysiques se trouvent identifiées, un instant réelles, puis brulées au terme de la représentation dans un feu joyeux et sonore. En m’écriant je me débarrasse de l’encombrante silhouette, tue en elle même et je retrouve le jour…Le Carnaval n’est pas si loin…le feu contre l’eau des rêves.

et Cushmok, après s’être joué de nous, peut disparaitre…le rideau se ferme, Il a fait oeuvre…Nous voilà libres.

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L’Emoi Photographique
Dans différents lieux de la ville d’Angoulême et de sa grande agglomération en Charente
Du 25 mars au 30 avril 2017
1er et 2 avril 2017 : rencontres avec les photographes africains
6 avril : Midi du Musée avec Warren Saré « La dernière carte »
8 avril 2017 : rencontre avec Jean-Daniel Guillou et le Dr Phat-Eam Lim
autour de l’association « Pour les yeux du monde »
15 avril 2017 : rencontre avec Jean-Michel Leligny « 40 ans »
16 avril : rencontre avec Jean-Charles Dehedin « Parlons-en »
22-23 avril 2017 : lecture de Portfolios
www.emoiphotographique.fr

PUBLIÉ DANS MOWWGLI 30 MARS 2017         http://mowwgli.com/12118/2017/03/30/angouleme-lemoi-photographique-festival-ouvert-lhistoire-histoires/

PUBLIÉ DANS L’AUTRE QUOTIDIEN  30 MARS 2017   http://lautrequotidien.fr/aujourdhui/2017/3/30/lemoi-photographique-souvre-sur-lhistoire-comme-les-histoires-par-pascal-therme

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