ARLES 2018, OLIVIER BOURGOIN CONTRENUIT

Rencontre avec Olivier Bourgoin de l’agence Révélateur autour de ContreNuit

Notre critique Pascal Therme a rencontré Olivier Bourgoin, fondateur de l’agence Révélateur. A l’occasion de la semaine d’ouverture des Rencontres d’Arles et du festival Voies Off, il présentait huit de ses auteurs au sein d’une seule et même exposition intitulée « ContreNuit ». L’exposition sera visible à l’automne prochain en région parisienne.

L’exposition

ARLES 2018, OLIVIER BOURGOIN CONTRENUIT

propose une plongée au coeur de la nuit. De l’errance à l’oubli, du rêve à l’insomnie, c’est une véritable matérialité du sombre, du noir. Périgrinations physiques ou mentales, nous abordons avec eux un labyrinthe de réminiscences, de fantasmagories, de mémoires altérées, de vestiges intimes, de peurs ou d’espoirs enfouis.
Visages, figures humaines peuplent les nuits. Yeux grands ouverts dans l’obscurité, les images se construisent autrement. Déambulations nocturnes, paysages, formes s’indéfinissent, s’enveloppent, s’absorbent. Se dévorent en attendant le jour ?

Avec «Fire Game», travail en couleurs toujours en cours, exclusivement réalisé sur le territoire français, Dan Aucante cherche plus à capter un moment qu’à faire un constat d’ensemble, ou dresser le portrait d’un groupe social. Son approche est d’abord de l’ordre du ressenti, laissant une part de subjectivité et de fiction s’immiscer dans ce qui pourrait au prime abord être considéré comme un reportage soigné. Et c’est entre jour et nuit que tout semble ici se nouer. Comme à l’adolescence qu’il capte ici.

Christine Delory-Momberger fouille au plus près de leur surface différents tirages photographiques familiaux et personnels, archéologue d’une histoire enfouie. Dans «exils/réminiscences» elle extrait une matière mémorielle, fragile, derrière l’opacité de l’oubli, du noir volontaire ou inconscient, qui masque et qui cache. Du noir que l’on gratte pour voir ce qu’il y a derrière. La nuit dans laquelle elle est plongée implose, fait surgir, derrière le grain photographique, le début d’une vérité, le résultat d’une obsession du comprendre, l’impérieuse nécessité de sortir d’une nuit qui a couvert une enfance, une adolescence. Le noir comme explorateur de soi.

«One lonely night» présente un extrait d’images puisées dans le grand abécédaire constitué par le travail photographique de Valérie Gondran, à la recherche d’une émotion, d’un sentiment, d’une idée, d’une histoire. De l’association de ses images – avec elles, au-delà d’elles, entre elles – émerge un nouveau récit, avec une composition visuelle dont l’ambiance pourrait être celle d’un polar mystérieux à la David Lynch. Une histoire courte en somme, comme se plaît à en conter l’auteure.

Les photographies de «Femmes et ivresse» ont été réalisées par Damien Guillaume dans des états d’ivresse avancées du photographe et de la plupart des modèles, au coeur de la nuit. Les modèles l’accueillent chez elles, sachant qu’ils vont boire, discuter puis mettre en place une séance de photographies durant laquelle elles devront poser nues au moment où il le décide, au moment où l’ivresse atteint un certain degré. Les photographies sont réalisées en doubles expositions afin de travailler sur la sensation de mouvement incontrôlé et de double personnalité du modèle (entre l’ivresse et la sobriété), captées de manière instinctives, inspirées par l’instant et l’espace. Elles ne sont jamais préméditées.
Les seules retouches des photographies sont liées à un renforcement du contraste.

C’est par la matière, l’adjonction d’huile aux grains photographiques qu’Irène Jonas ancre et encre son «Insomnie». Les images qu’elle associe et densifie deviennent les témoins et les protagonistes de ses nuits sans fin, et nous ramènent à nos propres éveils nocturnes. L’esprit voyage librement, passant d’une sensation à une autre, fait surgir et se mêler souvenirs enfouis et expériences quotidiennes. L’insomnie peuple aussi la nuit de créatures inquiétantes ou amies, hybrides de réalité et d’inconscient. Tout est encore fugace, fragile et l’on sent dans les images l’éventualité d’une disparition totale de ses visions : sont-elles sur le point de s’obscurcir
totalement ou au contraire sont-elles sur le chemin d’une éblouissante clarté ? Elles matérialisent tout à la fois l’épaisseur du temps, son instabilité et son inexorable bruissement.
De cet éveil naissent des énigmes, des chimères qui nous poursuivent parfois la nuit achevée.

Les différents lieux investis par Estelle Lagarde lui permettent de diriger des scènes qui, ajoutées les unes aux autres, racontent une histoire. Avec «De anima lapidum», Estelle Lagarde se livre à la matérialisation d’une intériorité. En plaçant sa chambre photographique dans plusieurs édifices religieux, aux quatre coins de la France, elle met en images une réflexion sur les relations s’établissant entre l’humain et les architectures de ces monuments, entre l’obscurité et la clarté des lieux et des âmes. C’est aussi notre propre mystique qui est ici sondée à travers la mémoire, les souvenirs et l’Histoire qui imprègnent les murs de ces monuments sacrés, témoins et gardiens de secrets, de péchés et d’espérances.

Laure Pubert navigue elle aussi entre le rêve et la réalité dans sa série «J’irai marcher sur tes traces». La sélection faîte dans ce travail réalisé au cours d’un long séjour en Norvège, nous entraîne sur le chemin du roman noir. C’est sûrement l’un des atouts narratifs de la nuit, l’une des libertés que cette dernière permet de construire mentalement. D’un récit et d’une quête photographique personnelle, dans ce choix d’images, Laure Pubert propose de laisser notre propre imaginaire divaguer et bâtir notre propre récit nocturne, de donner chair, âme et histoire aux personnages. Rien n’est figé, tout peut être fin ou commencement. C’est cette incertitude noire qu’explore la photogaphe.

Michaël Serfaty est, quant à lui, l’hôte de visages et de silhouettes qui, peu à peu, s’extirpent d’une noirceur – prison ou refuge. Ce sont peut-être «Ces choses au fond de nous» (titre de sa série) qui tentent de prendre forme à la faveur du calme et de l’indétermination de la nuit. L’imprécision de leurs formes, le flou que leur imprime le grain de l’image, entrouvrent plusieurs questionnements : serait-ce à la faveur de la nuit que ces êtres font leur visites, dans l’espoir d’une rencontre, avant de rejoindre à nouveau l’obscurité dès les premières lumières diurnes ? Ou bien au contraire tentent-ils définitivement de sortir de cette nébulosité et de rejoindre la lumière ? Peut-être bien les deux à la fois.

Ainsi se clôt, ARLES 2018, OLIVIER BOURGOIN CONTRENUIT.

INFORMATIONS PRATIQUES
agence révélateur
http://www.agencerevelateur.fr
http://www.facebook.com/agencerevelateur
> Expo à venir
ContreNuit
Du 10 octobre au 10 novembre 2018
L’Anis-Gras Le Lieu de l’Autre
55 Avenue Laplace
94110 Arcueil

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