EN CÔTE DE NUITS LA CÔTE EST D’OR.
EN CÔTE DE NUITS, LA CÔTE EST D’OR.
Lettre à Aubert de Villaine et à tous les Viticulteurs bourguignons.
En CHAMBERTIN, EN MOREY, EN CHAMBOLE, EN VOUGEOT, EN VOSNE, EN ROMANÉE, le pays est fait de vignes et de clos, de noms prestigieux qui sonnent comme le sou neuf, sous le pas, sur la pierre du chemin. Un petit ruban de vignes prestigieuses se loge dans ce serpent d’or, ne faisant paraître que leurs ceps, mais au delà, résonnent les prestigieux villages, leurs Grands Crus, leurs non moins prestigieux premiers crus, leurs clos, et leurs sangs aux noms renommés: Romanée Conti, Romanée Saint Vivant, la Tâche, La Grande Rue, Musigny, Clos de Vougeot, Clos Saint Denis, Clos des Lambrays, Bonnes Mares, et tous les Chambertins, Griottes, Charmes, Mazoyères, Chapelle, Ruchottes, Latricières, Clos de Bèze, Clos de la Roche, suivis de tous les Clos, Clos Saint Jacques, Clos des Maroilles, les Évocelles, impossible de les citer tous, tant le pays raisonne des noms de ses bons enfants. La vigne suit sous la terre les failles qui définissent des sols différents et complexes. Le cépage Pinot Noir en est le grand Prince, les pentes des coteaux et leur disposition, sous le vent, en différentes inclinaisons, en dessous du bois qui descend des collines ou plus bas dans la petite dépression alluvionnaire entre la route de Beaune et la route des Grands Crus, fait l’océan des vignes, magnitude des pôles, océanité du Vivant, poétique des amours du Temps et du Cœur de l’Homme.
On peut voir s’éprendre du vol des étourneaux sur le ciel de Septembre, vivre la majesté d’un paysage de plus de 900 ans, au ciel rehaussé à la manière des peintres, habité, lumineux. La lumière de cette Côte de Nuits, en Septembre, fond le paysage dans ses ors, le ciel se délivre des brumes matinales, le ciel bleu parait, l’océan des vignes encloses et non closes, est une humeur matinale qui embrasse et qui relève. L’âme du promeneur s’égaie aux vols des étourneaux qui passent en nuages sonores, pépiements et cris, joies, poésies profondes des lieux. Quand le soleil caresse le midi, l’appel des vins de hauts lignages se fait impérieux, il faut boire ce sang des amours de la Terre et du Ciel en ces humeurs qui sont autant de récompenses au promeneur, dont le cœur s’est magnifié devant tant de beautés.
A forger cette renommée des secrets du temps et des climats qui font, par la main de l’homme, ces grands vins, mystérieux et profonds, on approche cette noblesse de l’ Esprit qui, toujours, voyage, liturgique, par les clos et les coteaux. Toute vigne procédant de la culture, vient aussi à l’intelligence et à la sensation dans l’écriture; dire la profondeur magnétique des chais où se marient les substances et les forces qui les ont faites, écrire ce roman du temps de l’ouvrier, de l’ouvrage, de l’ouvrée, des clos, c’est entrer dans l’histoire des rapports entre la Terre et le Ciel, au cœur du meilleur de l’Homme.
Je crois aux nuées, aux vents, à la nuit talismanique, au chant du coq, aux ravissements de l’aube, à la puissance solaire du jour, à la sureté des pas qui gravissent nos coteaux, à ce travail inspiré et ailé du vigneron, du Maître de chais, de la caresse aimante de sa main sur le grain des tonneaux, quand la rugosité de celle ci s’émeut de la lenteur du temps et qu’il gèle sur les coteaux, dans la nuit de Décembre.
Il faudrait dire les secrets de ces harmonies pour que d’autres secrets se mettent à battre dans la pulsation de l’instant, pour espérer approcher le Mystère du Vin, afin d’en entendre les voix, chants, joies et fêtes, mais c’est là, un autre projet, celui d’une résidence sur la Terre vouée au Roman des très grandes appellations dont vous êtes coutumiers, chers amis, à moins qu’il ne s’agisse aussi d’écrire par la photographie ce roman de l’instant qui bruit et dont l’ampleur s’inscrit, du moins j’ose l’espérer, dans le regard qui voit et qui entend..
