Katherine REY, une visite d’atelier.
C’est toujours un moment particulier que celui de se rendre à l’atelier du peintre, ici celui de Katherine Rey , une sorte de privilège de pouvoir la regarder travailler, de pouvoir la voir et la photographier au travail, en travail. Il faut déjà être reçu et sans doute en être digne, car au fond, symboliquement cet atelier relève de l’Athanor de l’Alchimiste. C’est là que se fondent les couleurs selon le coeur, que le geste atteint sa concentration et que les forces psychiques qui entrent en jeu sont à la fois issues de la matière et du sang, dans une involonté disciplinée, afin que la main délivre ce qui vient de la source secrète du coeur et que, selon les techniques choisies, ce jour là, s’exprime avec force, toute l’intensité du rêve qui porte ses formes, jouit de son labeur, se réjouit de ses naissances, s’éprouve au fur et à mesure qu’il s’exprime, s’affermit en se délivrant sur la toile des rêves incandescents et flottants, comme une matière qui cherche à s’émouvoir, à vivre, à signifier en faisant jouer en elle même toute l’action spéculaire du miroir….
Chez Katherine Rey, la création est toujours concentration puis accouchements, décisions, chemins qui se creusent en soi, perles obscures et lumineuses, appels de la nuit, descente en soi dans le puits sans âge à la recherche du secret de la vie, du temps, de la création, genèse d’un monde qui incarne, qui implique, exigeant et nécessaire, imprudent et osé, un puits d’où s’écoute le chant limpide de cet obscur objet du désir, du sujet relevant de l’infini et du fini, de la perception et de l’essence, du chemin qui s’ouvre au devant de soi., et tout cela dans l’Aventureuse Dé-couverte de ce qui fait lumière en soi, forces de la trace, de l’écrit, du peint, de ce qui s’est imposé à l’oeil pour s’inscrire sur la toile, le papier, cette voile blanche qui peut lire à rebours le cheminement des forces.
Exercice à la fois corporel, physique, intellectuel et secrètement métaphysique, où toute une herméneutique s’affirme discrètement dans ces articulations du rêve, de l’œuvre portée en soi par l’écriture et cette picturalité donnant à la couleur la force de sa lumière comme la puissance de son silence, dans l’aveu prométhéen d’une renaissance de soi au Soi, d’une écriture qui brûle de cette passion du feu intérieur, Katherine Rey dévore le Cronide, pour donner à l’inhumaine Beauté, la valeur de son courage et de son gain. Il faut que de l’ombre nourricière, cette matrice inconsciente, surgisse par passion et travail, l’absolu relatif de ce qui se noue et se dénoue en même temps des conflits productifs où se chante le mystérieux secret de l’heure, ce Hic et Nunc qui fait point, repère, actualités.
L’harmonie procède toujours d’un combat, de conflits, de forces que le peintre Katherine Rey dépense secrètement et brûle en son athanor, pour forger son expression, produire son écriture, cette langue si particulière, un Sésame, qui ouvre en lui un chemin de vertus et de louanges, de laudates, comme si les dialogues entre la Terre et ses abîmes, le ciel et ses hauteurs, entre la plus dense des matières et la plus légère, pouvaient éveiller l’esprit par lequel il chemine, rougeur des matinaux, bleus marmoréens, langue des oiseaux, quand un ravissement, enfin se fait, et que la main s’en trouve ravie… Mystérieuse création, voile qui vole au vent du Souffle prométhéen et du chant issu du coq aux plumes de feu.
Katherine Rey en son atelier manipule des toiles, monte, descend, cherche, se concentre, part puis revient, toute une physique est ainsi co-présente au travail. Les forges du rêve sont aussi une épreuve, elles réclament du peintre cette constance du geste et sa liberté, en même temps.
Mon oeil s’est attardé dans ce reportage sur ce qui pouvait faire photographie dans tous les espaces ouverts dans l’atelier de Katherine Rey, dans l’énonciation de ces matières, cadres, toiles, dessins, chevalets, couleurs, crayons, pinceaux, brosses, encres, il glisse sur certaines œuvres au sommet des tables, comme aurait pu dire Char, de la base au sommet… Celles-ci habitent l’atelier, disposées en pile sur de grandes tables, ou rangées, encadrées. La lumière et l’espace de cet atelier – sur deux niveaux – se conjuguent pour donner lieu à cette création aux aléas secrets, pour Faire Temps, un hors temps de fait qui a ses propres lois et qui échappe à l’instant, pur présent, sans limite, objectif paradoxalement, temps pur et fécond, tout s’y joue, tout y parait, seules la main et l’œil du peintre en saisissent, unitairement, la portée, l’occasion, la pertinence et répondent à cette sollicitation de l’invisible, de l’Infini et parfois du Sacré, (de la Visitation) du Voyage vers ce soi, irréductible et prodigue. Le geste des « vrais » peintres est trancendental aussi, il est noué aux temps intérieursdes Maîtres disparus, comme dans une filiation lente, afin de (re) trouver le chemin des formes et de la couleur, dans l’accomplissement de cette cécité qui voit.
Au Pays de la Peinture, tout est paradoxal, sujet à des renversements, des changements d’axes, mais tout cela fait partie du vivant mensonge qui se dit dans le lapsus même de la langue, garder pour Re-garder, se mettre au silence, alors que Ça parle, Ça s’embrase, Ça vient, VOYAGE IMMOBILE MAIS MOBILE, le peintre est devant son chevalet, en travail, parturiente, les forces sont contraires, seule l’ascèse viscérale permet d’accoucher de ce vivant tableau, plus vivant que le vivant. Les œuvres s’éveillent à la nuit et se prolongent au jour, parlent en silence de ce secret central, tandis que le coeur du peintre est devenu aussi cet athanor même, où sujet et objet ne sont qu’un, unité d’avant la séparation, unité de l’Unité. Le peintre est ainsi le Forgeron et le Maître symboliquement.. .au point de création, quand sa volonté n’est plus la gouverne de ses sens, mais qu’il a atteint la concentration maximum de ses forces créatrices ( souvent dans une auto-hypnose) et qu’il s’empare, par ailleurs du feu central, ce feu au Principe de la Nature, le feu du feu; alors, il devient le feu, (Cocteau),
il s’embrase, tel un Phénix et renait en Dioscures par l’œuvre crée.
( » Pour les Pythagoriciens, l’éternel chassé-croisé des Dioscures figurait l’harmonie de l’univers : « On les compara aux deux hémisphères célestes qui, dans leur révolution, passent alternativement au-dessus et au-dessous de la terre, et leur union fraternelle symbolise l’harmonie de l’univers15. » La légende des Dioscures est en effet représentée sur les murs de la Basilique pythagoricienne de la Porte Majeure16 ; elle figure souvent sur les sarcophages romains comme symbole d’immortalité17. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Dioscures )
Rodin déclare: » Les formes ne sont pas des fantaisies mais des fatalités; elles ont leurs forces, elles suivent des jets de lignes; elles continuent des mouvements. » Cité par Aurel dans l’article » Rodin et la femme » La grande Revue, Décembre 1917 in Auguste Rodin, dessins et aquarelles, Hazan édition.
https://www.facebook.com/katherinerey.bourgogne
publié le Vendredi 13 Novembre sur l’édition du jour de L’Autre Quotidien :