Entretien, Patrick Rémy, éditeur, Directeur Artistique.
Entretien avec Patrick Rémy, éditeur, directeur artistique, collaborateur régulier de nombreuses maisons d’édition, Steidl, Prestel, Taschen, Rizzoli NY, Louis Vuitton. par Pascal Therme
Mowwgli: Ou en est l’édition de livres de photographies?
Patrick Rémy: Mis à part les projets d’envergure liées aux institutions culturelles, et les commandes prépayées, les projets économiquement viables avec des financements sérieux, l’édition de monographies et de livres photographiques est de plus en plus aléatoire. Plus personne, dans le grand public, n’achète véritablement de livres, la conjecture est difficile et les coûts de fabrication ne sauraient être réduits, si l’on parle de qualité visuelle et de beaux livres, bien conçus, bien fabriqués.
De plus sur le plan économique le circuit est assez long, entre le moment de la conception du livre, la réalisation de sa maquette, l’impression et sa mise en vente dans les circuits de diffusion, la période pendant laquelle l’ouvrage est immobilisé financièrement parlant, puis enfin le retour des premières ventes, il se passe facilement 7, 8 mois, voire plus, terme au bout duquel l’éditeur récupère une partie de ses billes… On le voit c’est un circuit long, d’autant que, pendant cette période, il a fallu payer les salaires, les intervenants, l’imprimeur. On ne le sait que trop, ce sont les succès de librairie sur quelques ouvrages seulement qui permettent aux éditeurs de tenir le coût, d’autant que les marges sont assez minces, au delà des risques même du succès ou de l’insuccès du livre en soi.
C’est Vrai pour Steidl pour exemple, qui tient grâce à la vente de droits de deux prix Nobel de littérature, l’impression pour Chanel et certaines institutions qui prépaient en d’autres termes le livre en faisant une commande suffisante en amont. Il y’a une forme d’accord entre tous pour que puissent s’éditer certains ouvrages.
Mowwgli: Je crois savoir que, pour faire face à un autre type d’éditions, petits formats, tirages en petites quantités, vous vous êtes associé avec les éditions Filigranes et Patrick Lebescont. Êtes vous parti du constat précédent et du fait que très peu de Maison d’éditions peuvent se permettre d’éditer des gens moins connus?
Patrick Rémy: Oui, effectivement, en tant que Directeur artistique, j’ai conçu un Service en lien avec Filigranes pour permettre à certains photographes de pouvoir avoir un livre digne de ce nom et bien réalisé.
Ce n’est pas du Self Publishing, assez mal fait, le plus souvent, mal relié, mal imprimé, nous savons de quoi nous parlons …Mais c’est au photographe de financer toute l’opération.
Nous sommes en mesure de proposer non seulement un ouvrage sérieux et soigné, rédaction des textes, mise en page, qualité visuelle, qualité optimale d’impression, mais également un circuit de diffusion qui garantit au photographe un bon placement de son ouvrage.
Je propose un livre sur mesure et un référencement internet sérieux sur le réseau Fnac et le réseau de diffusion filigranes, on garantit un minimum de diffusions d’exemplaires. Si on vent X exemplaires , on rachète au photographe le nombre d’exemplaires diffusés, ce qui lui permet d’alléger ses coûts et de valider aussi son livre.
Mowwgli: Oui effectivement, lors d’une carrière, d’une exposition dans une galerie, on sait que le livre est un plus et contribue à faire monter la cote des tirages, souvent, c’est aussi un aboutissement, l’édition vient renforcer le propos. C’est une réalisation qui compte. Mais de fait ça coûte combien, environ?
Patrick Rémy: Il faut compter de dix à quinze mille euros pour un tirage de cinq cents à six cents exemplaires. Tout le bienfait d’un livre va revenir au photographe. Pour revenir à l’édition, un premier livre même avec une sortie et des ventes de plusieurs milliers d’exemplaires ne rapportent pas d’argent. C’est un risque qu’aujourd’hui peu d’éditeurs veulent encore prendre.
Pour exemple les ventes sur le marché français c’est 400 , 500 ex max, voire moins, on peut être à 250: le Bérénice Abbot s’est vendu à 450 ex et c’était un livre cher et assez pointu, sauf pour les succès comme les livres de Saul Leiter, plus de 7000 exemplaires ont été vendus, Demarchelier 5 000, Karl Lagerfeld (la petite robe noire) plus de 7000, le scrap book de Cartier Bresson 4500, mais ça reste des exceptions. Après il y a des petits éditeurs qui s’en sortent parce qu’ils tirent assez confidentiellement. Personne ne parle non plus de certains livres géniaux qui sont magnifiques mais que personne n’achète… On le voit un succès de librairie est toujours lié à quelqu’un dont le travail a été largement diffusé et dont le grand public connait le nom et l’oeuvre.
Mowwgli: merci de ce tour d’horizon, je crois qu’il était utile de préciser un certain nombre de chiffres et de se rendre compte que l’édition et le travail des éditeurs se font avec plus de difficultés que par le passé, mais qu’il reste tout de même, la possibilité pour ceux qui le peuvent, de faire un livre, une forme d’aboutissement, de « consécration » d’une vie parfois, à compte d’auteur.
©PascalTherme/2017 texte et photographies, publié sur Mowwgli le 25 janvier 2017
http://www.patrickremy.com
http://www.filigranes.com
http://steidl.de
http://prestelpublishing.randomhouse.de
http://taschen.com
http://www.rizzoliusa.com
http://mowwgli.com/7238/2017/01/25/entretien-patrick-remy-editeur-directeur-artistique-ledition-de-livres-photographiques/
0 Comments