Éloge de la Lenteur aux Promenades Photographiques de Vendôme 1/2
Odile Andrieu, directrice artistique des promenades photographiques de Vendôme, en choisissant le thème de l’éloge de la lenteur pour la quinzième édition, a décliné une programmation riche de 24 expositions, et conçu ce festival dans un acte de résistance à la vitesse qui s’est emparée de l’époque, prémisses des burn-out et de l’asphyxie générale des consciences devant les enjeux actuels. Alors qu’il faut au contraire ralentir le rythme, se “poser”, réfléchir, pour pouvoir s’emparer plus sereinement de toutes les problématiques, de tous les enjeux…
Il faut re-dessiner les routes qui nous permettraient de sortir de la paranoïa des temps et de reconstruire des sociétés plus habiles, plus conviviales, plus harmonieuses, plus humaines. Le despotisme de l’argent, la manipulation des pouvoirs, la violence historique inscrite au creux du macronisme, s’immiscent au plus profond de nos quotidiens en asphyxiant la société, en accélérant l’angoisse et le rythme du temps, dans un déni permanent des priorités salutaires à l’ensemble de la société, étales des chaudes-trappes et coups tordus soigneusement dissimulés derrière une bien-pensance hygiéniste et nauséeuse faite d’idéologies et de dominations. De l’air donc et du temps…
« Le degré de la vitesse est directement proportionnel à l’intensité de l’oubli. De cette équation on peut déduire divers corollaires…: notre époque s’adonne au démon de la vitesse et c’est pour cette raison qu’elle s’oublie facilement elle même. Or je préfère inverser cette affirmation et dire : notre époque est obsédée par le désir d’oubli et c’est afin de combler ce désir qu’elle s’adonne au démon de la vitesse ; elle accélère le pas parce qu’elle veut nous faire comprendre qu’elle ne souhaite plus qu’on se souvienne d’elle. » – Milan Kundera
Il est question à Vendôme de reprendre ses esprits et reprendre pied au sein des valeurs humanismes éternelles dans la création et, d’interroger toute opacité. Il est question ici de respirer un peu mieux, de s’accorder aux messages d’une photographie qui fait sens, en tant que sujets historiques, sujets de nos histoires, à nous enthousiasmer pour nos récits comme à cette chère transmission dont les prix Mark Grosset et Campus, réunissant six écoles, coordonnées par Mat Jacob, sont également une promesse doublée d’espoirs.
Ce qui n’est pas, on le sait, facile à faire….en macronie, surtout, quand un néo-libéralisme s’empare des subventions et cherche à réduire la facture de la culture partout, ou qu’il prétend reprendre à son compte un bâtiment dont il est propriétaire certes et à le réaffecter à d’autres usages, si l’on a bien compris, alors que ce Festival est un exemple vertueux en matière de mobilisation citoyenne (le travail des bénévoles pour exemple plus de 90 personnes sont totalement impliquées dans la réussite d’un évènement qui dure tout l’été) et du lien qui s’est tissé entre tout un territoire, ses populations et la mairie, le département, la région.
Pour preuve le festival dans son futur est menacé dans son premier espace physique d’exposition, le Manège Rochambeau, navire amiral des Promenades Photographiques, où se déploient 16 expositions dans un lieu patrimonial , magnifiquement réhabilité.
« Je ne cache pas les moyens du festival qui sont très faibles. Nous n’avons que 180.000€ pour les salaires, pour réaliser les 24 expositions et inviter les artistes et le public. La difficulté n’est pas tant de faire ce que l’on fait aujourd’hui avec si peu de moyen, mais c’est d’être dans l’insécurité des lieux. Chaque année, on a une épée de damoclès au dessus de la tête, au bon vouloir de certaines personnes de la DRAC qui ont peut-être envie de nous voir disparaitre et qui ont décidé que le festival des promenades photographiques n’était pas prioritaire. D’après eux, les lieux devraient être consacrés à l’art contemporain. Il y a beaucoup de mépris pour les photographes et pour tous les artistes qui ont exposés ici depuis 2005… Il faudra qu’on nous explique pourquoi la DRAC veut faire disparaître le seul festival photographique de la région Centre ! » – Odile Andrieu
C’est peut-être justement cette vitalité, cet à-propos qui embarrasse, ou, pire qui semble gêner un pouvoir, dont on interroge volontiers le lien démocratique à l’état dans ses missions régaliennes, notamment en matière de Culture. Le lien qui unit le Festival à ses territoires est devenu après 15 ans un lien organique et politique au noble sens du terme, c’est dire sa vitalité et son essence, et l’on ne peut être que frappé de sa justesse dans ce qu’il irrigue de bonheurs au sein de ses populations comme également dans l’exemple qu’il représente, et par le drapeau qu’il porte. Cela est en quelques sortes validé par ces quinze années et une programmation de grande qualité, de Koudelka, Serguey Titarenko. (voir la Gacily)… Denis Dailleux, William Klein, Dolores Mara, Roberto Salgado….
Ou peut-être est-ce la surprenante affiche de la quinzaine édition qui dérange ? Une femme nue, pubis et yeux recouverts de pigments Or, bras levés en signe de refus, semble dire “assez, revenons a plus de circonspection, ralentissons le rythme, écoutons nous profondément, respirons, STOP”…. Cette photographie signée Barbara Wolf, date des années 70, quand elle faisait ses études d’art et porte toute une époque où la nudité n’était pas affaire de censeurs, de censure, mais de libertés et de libérations. En ces jours tristes il semblerait qu’elle puisse gêner à nouveau ou qu’elle puisse alimenter un retour au puritanisme qui accompagne ce néo-libéralisme, en proie à une angoisse sécuritaire…..
Barbara Wolf expose « Ma propre affaire », au Musée de Vendôme, revient sur ses premiers pas de photographes, en Allemagne de l’Est, avec toute une série assez imprégnée de l’esprit du Bauhaus, dont justement ce Nu dont est issue l’affiche.
Bien sur il aurait fallu déployer plus d’images, plus de photographies sur cette documentation de l’Est avant l’heure, les photographies de Barbara Wolf glissent sur cette réalité qu’ elle dévoile parfois incidemment dans un noir et blanc classique. C’est elle même qui réalise ses tirages. Elle parle de cette période assez librement pour qu’un lien auto-biographique ait pris le relais ou ait embrassé sa photographie, toujours aimable, pacifiante, formellement assez pure, pour que son aspect documentaire ait pu passé au second plan et que s’inscrive, dans l’ombre claire, tout une Odyssée personnelle, quand le sentiment intérieur, fait de mélancolie et de présences cède le pas à cette écriture de l’intime, sage et fluente.
Un passage du rêve à un onirisme actif effleure le regard intérieur de Barbara, au delà de la relation avec tous ceux qui s’appartiennent et peuplent le monde, d’où ce sentiment de flottement ophélien et de secret magique, comme si l’aventure photographique devenait ce rêve de complicité absolue avec le monde et qu’il l’enchantait sagement…. Au delà des histoires de chacun, tout se tient des premiers pas des années 70 à la dernière production réalisée au Smart-phone, une traversée de l’oubli s’est faite à travers son propre voyage, de l’Allemagne de l’Est à celui de l’Ouest, sans heurt en apparence, comme si le temps s’était couler dans une onde généreuse pour faire advenir toute mémoire, toute photographie.
L’exposition se tient au musée de Vendôme.
Entretien en anglais
Et puis, après quelques pas on se trouve en présence du travail du photographe iranien Payram, chassé en 1983 de son pays par les barbus méphitiques. Travail consacré à la Syrie martyrisée récemment par l’Histoire et qui répond aujourd’hui, à travers trois thèmes, du travail manuel et des artisans, le métal pour la fabrication de différents objets du quotidien, quand ils sont vendus au marché, au savon d’Aleph, (qu’en est-il aujourd’hui, après que la ville ait été en partie détruite), et pierres , matière première des constructions et des maisons. Payram écrit les passerelles mémorielles entre deux territoires a plus de 20 ans d’équarri: “ 20 ans plus tard, j’ai été abasourdi de retrouver en Syrie l’image que je me faisais de l’Iran de mes grands-parents. C’était comme entrer dans un rêve d’enfant fiévreux, un brouillard qui se dissipe, un rêve qui prend chair sur les traces d’un paradis perdu. Le Polaroid 55 et l’épreuve – instantanée, unique et fragile – qu’il laisse m’ont permis de travailler des journées entières aux côtés des artisans syriens sans parler leur langue.” Le petit miracle est qu’on trouve ici l’image d’un Moyen Orient qui travaille, loin des images de foule et de guerre, avec les mêmes gestes, des attitudes et des regards fraternels, aux antipodes des propagandes, dans une vertu où les hommes au travail dans la transformation de la matière et dans des unités à taille humaine se sourient encore.
Il y a là comme une évocation plus large de Forgerons et Alchimistes, par Mircea Eliade, au moins en intention dans le sens où ces artisanats portent en eux une structure plus ancienne, voire plus noble, la force de transformation de la Nature , dans un respect des lois de celle-ci. Un certain accord semble préserver le lien à un monde naturel, dans une représentation humaniste, douce et accorte si l’on se laisse aller au rapport documentaire et plus enthousiasmante si l’on suit l’inspiration de Payram, une complicité est sans cesse à l’oeuvre , voir les portraits entre autres, parce qu’un même lien unit les hommes et leurs trajectoires, au sein de cette humanisme authentique et partagé.
A la chapelle Saint-Jacques.
> Demain, retrouvez la seconde partie de l’article…
INFORMATIONS PRATIQUES
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