ARLES 2018 – Le village Potemkine : Au cœur d’une légende avec Gregor Sailer
Gregor Sailer est un photographe autrichien de 38 ans, son travail a été sélectionné pour être présenter dans le cadre de la 48ème édition des Rencontres de la photographie à Arles en co-prodution avec le Centre de la Photographie Genève. Cette exposition, qui est visible au Cloître Saint-Trophime, s’intitule « Le village Potemkin », il rassemble une sélection de photographies réalisées entre 2015 et 2017 de villes… qui n’existent pas.
Au départ de ce travail, le photographe s’est saisi d’une légende historique, celle du prince russe Grigory Potemkine qui fit construire, en 1787, des villages entiers en carton-pâte afin de masquer la pauvreté en Crimée lors de la visite de l’impératrice Catherine II. C’est ainsi que l’artiste autrichien a parcouru le monde à la recherche de ses fausses villes faites uniquement d’illusion. Des centres d’exercice militaire aux Etats-Unis et en Europe aux répliques de villes européennes en Chine, en passant par des pistes d’essais de véhicules en Suède ou encore des rues entières mises en scène pour la visite de personnalités politiques… La série documente ce phénomène architectural étrange où seul l’apparence fait sens. Gregor Sailer saisit l’absurdité de notre époque et nous pousse à voir et à réfléchir au-delà du visible.
Plus c’est une prise de positions en même temps sur ces centres d’entrainements où apparait, masqué, le danger des guerres modernes. bien au delà d’une certaine fascination pour ce type de construction dédiée à l’entrainement des troupes sur les terrains prévisibles de conflits, Gregor Sailer se joue du monde des apparences en photographiant ces sites comme s’il s’agissait de décors de cinéma, dont la fonction est bien autre. Le fait que ces décors soient en partie vides, les fait apparaître dans une forme « tranquille », déconnectée de leurs fonctions, mais inscrits dans un territoire, dans un climat, dans une région du monde. Il n’en va pas de même entre le désert et un centre ville européen….
Le village Potemkine semble aussi être un terrain de jeu, comme celui de l’enfance, fantasmé, où parait l’ombre glacée de la vraie guerre. Ce lien dédramatise en quelques sortes la réalité mortifère des lieux, des décors, pour faire apparaître ce village Potemkine comme un succédané d’une réalité beaucoup plus lourde, c’est pourquoi le regard peut s’éprendre de la seule dimension du faux semblant, sans vouloir s’attarder sur le fantôme glacé de sa terrible raison.
Gregor Sailer, joue t il avec les apparences ou en est-il prisonnier, tout son propos semble prouver que l’intérêt documentaire prime sur cette fascination pour des théâtres programmés où les joues de l’enfance sont encore présentes dans un jeu où la guerre est virtuelle. Heureusement cette photographie très soignée inscrit une légèreté au creux des structures architecturées qui pourraient paraître beaucoup plus angoissantes, si, on les rapporte à leurs fonctions, et, au delà, au fait qu’il est important que ces terrains d’entrainements servent les buts pacificateurs de nos démocraties…
Pascal Therme, notre critique, a rencontré Gregor Sailer lors de la semaine d’ouverture des Rencontres d’Arles, voici son interview :
INFORMATIONS PRATIQUES
• Exposition
Le village Potemkine
Gregor Sailer
Du 2 Juillet au 23 Septembre 2018
Cloître Saint-Trophime
13200 Arles
https://www.rencontres-arles.com/fr/expositions/view/237/gregor-sailer
• Edition
The Potemkin Village
Gregor Sailer
Les éditions Kehrer Verlag, 2017
24 x 30 cm, 304 pages
ISBN 978-3-86828-827-8
https://www.kehrerverlag.com/en/gregor-sailer-the-potemkin-village
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