In girum imus nocte et consumimur igni
A l’aube de la nouvelle année une correspondance étoilée avec Delphine Lisenborg m’a donné l’occasion de préciser poétiquement ce point lumineux dans la nuit.
Il est des romantiques comme de grands brûlés de la vie, souvent du aux diverses surexpositions des sens par enflammement et de jolies constitutions… brulons donc au bord du gué… quand l’hiver dans sa nuit paisible et claire, gelée, fait la brume et le givre craquant, gâteaux d’arbres, mousses blanches et bosquets de sucre, le paysage déploie ses volumes, ses volutes, cigarette géante qui fume en plein bois, feu central et rieur de la Saint Jean d’Hiver…Contre- Point solsticial du feu de la Saint Jean d’Été, portes des renaissances du cycle solaire, et donc rondes joviales autour de ce qui nourrit le temps par dessous les heures, sous la jachère des secondes éternelles, quand ce Soleil invaincu, est épris de ses flammes dans la nuit du songe hivernal, tandis que la Joie du Griffon se fait plus clair au centre de la chair.
Quel ce feu qui ne consume pas mais qui régénère et par lequel la danse fait feu aussi dans la giratoire poursuite des étoiles? Ces feux stellaires illuminent la voûte ancestrale à des centaines d’années lumière, preuves de nos temps mortels et relatifs, les yeux rivés et comme perdus dans le grand manteau sombre de la nuit, de toutes les nuits, passeurs et fileuses des étoffes bleues et rouges, pourpres de feu et bleus de nuit, la révolution chromatique du songe enluminé, allumé aux portes des soleils, ces étoiles au coeur, passeuses du songe de l’éternel présence. Le temps est invisible aux vents de la Vie mais évoque Pénélope aux mains habiles dans l’écheveau des nuits, devenues depuis lors, maisons avérées de ces sensibles demeures, autels lumineux fait du miroir des heures diurnes.
A Delphes il n’était question que de Mystères, d’ Oracles et du Secret de la vie, quand les Dieux n’avaient pas déserté toute surface du monde et que le monde était habité… alors le geste se joignait à la Parole active et l’énergie vivante consacrait le Monde pour le sacralisé, le regard était porté vers l’en soi et l’en dire, le corps lui même était sens et chaleur. Quand nos beaux yeux brulés parachèvent le don (René Char), nous passons le labyrinthe, nous sommes au centre du cercle du monde dans le rapport élégiaque au Cosmos..
il y a fort fort longtemps, mais ce rêve court toujours sous la surface du temps, chanté par les Romantiques, assumé par Nietzsche dans ce traumatisme (la mort de Dieu, le vide puis l’éclatement), conclut par Foucault, la dispersion. Et alors…. qu’en est-il du mystère, quand l’heure tendre sonne et que la Lumière revient en soi dans l’en dire fécond, semeur de sens, (ré-) générant ce que certains appellent l’âme et qui est au fond ce centre du toujours présent dans l’ étant, pour exhumer ce passé mémoriel enfoui mais vivant par un retour sur soi, où (re-) parait le jour nouveau, l’aurore, le chant du monde…Révolutions intérieures suivant le Grand Cycle Cosmique, pour saisir l’aube neuve de l’an neuf au chant des lèvres, par le baiser gourmand des amants et l’ode des mots charmants et complices au creux du plaisir.
Et la Présence a du s’acquitter de sa dette et payer son tribu à l’Oubli.
Alléthéïa dirent les Grecs, ce qui était de l’autre côté du Léthé, fleuve de l’Oubli, séparant le monde des vivants de celui des ombres, Bâteau Ivre voguant aux grés des courants, matières imbibées de l’eau verte et vigoureuse, algues marines faisant la chevelure des Nymphes, quand au sommeil les barques sont tirées du rivage et que l’énergie scande l’effort pour s’éloigner des rivages de la nuit, des rives douces du songe et que se fait la promesse de l’aube…
Le jour, lieu des forces actives, forge par ces feux l’expérience du Faire, la Poiésis, l’Art de vivre. Étant, Vivant, il appartient à l être de reconquérir ce chant intérieur pour souffler le Génie, qui, en soi, déroule le beau tapis d’argent des épines de pains bleutées sous la lune, et fait appel à ce feu générateur qui brûle sans consumer, quand on danse ensemble sous la ronde lactée des étoiles, mains sur les yeux et coeur propitiatoire, nuit solaire, promesse de l’aube, heureuse intuition de l’union des contraires et du sentiment d’être au centre de l’harmonie des Mondes.
Ce rassemblement prométhéen de soi enchante et sacre l’homme retrouvé…. Alors le Mystère opère en soi un changement profond, le voyage homérique prometteur du retour a fait de nous ce champion, ce héros, porteur de la Raison profonde du monde, ce souffleur d’étoiles et de soleils, ce porteur de lumière, ayant pouvoir de parler et de changer le monde avant qu’il ne s’abime dans la Déraison. C’est pourquoi notre Sensibilité mercurielle et itérative est heureuse dans ses fondements et jouit du temps retrouvé… Nous sommes le songe de demain oeuvrant à l’apparition des étoiles, ciel bergamasque, mer azuréenne, pourpre de feu, verts des forêts profondes et des algues marines, l’esprit panthéistique des formes et des sons, du monde tel qu’il se donne à nos sens…
Et le feu joyeux brûle en nous sans remontrance, par l’ivresse de l’accompli, devant la préséance de ce qui reste à forger, à entendre, à voir et à chanter…
Cette ronde dans la nuit est mouvement libre, rouge feu dans bleu nuit, vertes promesses des lendemains, mariage du jour et de la nuit à travers l’aube, passage de l’Amour et du temps par le songe.
Texte ©Pascal THERME-2017
Photographie: © Pierre-Jean Amar-Maïté 1984
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