FESTIVAL DU REGARD 8 ÈME ÉDITION
La huitième édition du Festival du Regard se tient au CARREAU, à Cergy-Pontoise, vaste lieu culturel pluridisciplinaire de 600m2, comprenant tout un volume avec de beaux espaces d’expositions, une salle de projections, des lieux investis pleinement par le commissariat de Sylvie Hugues et de Mathilde Terraube. Pour des raisons d’espace, le festival a du scinder sa huitième édition en deux parties, la première s’est close aux fêtes de fin d’années, le festival expose cette deuxième partie jusqu’au 2 Mars. Cette édition number 8 revient au Carreau de Cergy (lieu de la 1re édition en 2018), mis une nouvelle fois à disposition par la Ville, dans une continuité où les services techniques de la ville assument pleinement le fonctionnement des lieux.
La première partie de cette huitième édition exposait sur le même thème, ANIMAL, les travaux photographiques de Tina Merandon, Nathalie Baetens, Tim Flach, Laurent Ballesta et Daniel Gebhart de Koekkoek.
Un aperçu des photographes de la 1re partie du Festival
Dans sa série Anima, Tina Merandon interrogeait la relation de l’enfant à son animal de compagnie en mettant en scène leur langage corporel, dans une proximité réflexive de cette relation au plus haut de la confiance et du partage.Tim Flach a construit ses portraits de fauves, d’insectes ou de singes, dans le but de nous sensibiliser à leur devenir de plus en plus menacé, dans une proximité et un attachement réels, une défense de la cause environnementale. Laurent Ballesta, quant à lui, titrait 700 requins vous attendent, ayant écumé nombre d’océans sur plus de vingt ans pour rendre témoignage au naufrage de nos éco-systèmes marins et à leur beauté défunte; son film 700 requins vous attendent a été projeté tout au long de l »automne. Natahalie Baetens exposait Oiseaux de nuit, une photographie noir et blanc rehaussée par les lunes sculptées d’Antonin Anzil, impressions sur papier arches, s’emparant du contexte nocturne des prises de vues sous la lune.
Festival du Regard 8, Deuxième partie, jusqu’au 2 Mars…
Quand on pousse la porte du Carreau, le grand espace s’ouvre dans sa respiration avec les photographies de Vincent Munier qui dialoguent immédiatement avec celles, plus anciennes du Maître Pennthi Sammallhati dans une correspondance de regards. Vincent Munier retranscrit ici l’inscription des animaux sauvages, dans leur environnement, l’hiver souvent, dans une nature sauvage; à la tombée de la nuit, un ours dont on ne voit que la tête remonte à la nage le bras d’ une rivière, un renard s’enfuit au loin, la panthère des neiges traverse un paysage désolé, des aigles s’évertuent à crier sous un ciel lourd, un loup semble tenir en sa gueule un soleil ou un fromage….on croit apercevoir au fond d’une forêt les yeux brûlants d’un chat sauvage ou d’un lynx. Le monde sauvage est au loin du regard, immergé dans la solitude des paysages, comme au bout de ces yeux qui le cherchent pour réussir à en percevoir, fixer la présence singulière, tout au loin, mais si proche, dans la mesure ou, séduit, le regard s’approche d’e l’image et la scute dans un effet de lointain-proche.
« L’un nous émerveille avec ses photographies d’animaux en couleur, l’autre est un virtuose du noir et blanc. L’un est né dans le massif des Vosges en 1976, l’autre dans les plaines finlandaises en 1950. Même si plus de vingt ans les séparent et géographiquement une distance de 3000 km, bien des choses rapprochent Vincent Munier et Pentti Sammallahti: l’envie d’explorer le monde, l’amour et la connaissance de la nature et des animaux, une grande maîtrise de la technique photographique et la passion pour le livre de photographie (ils ont tous les deux fondé une maison d’édition) » dossier de presse du festival.
lire plus: https://festivalduregard.fr/photographe/pentti-sammallahti/
https://festivalduregard.fr/photographe/vincent-munier/
Et c’est bien un proche-lointain qui agit souvent notre façon de regarder cette photographie, tirée en petits formats, afin que l’on s’y glisse, dans une sorte de complicité, de connivence, d’amusement. Les arrières plans font dessin, attire le regard au fond de l’image, celui-ci voyage donc, entre un premier plan, souvent narratif et ce fond de l’image toujours très présent. La perspective semble s’inverser parfois dans certaines de ces photographies, devenues iconiques; ici les tirages, réalisés par l’auteur, prêtés par la galerie Camera Obscura sont d’une finesse et d’une grande beauté, d’une tendre inscription, assez enjouée parfois, pour qu’on relève l’humour de certaines « scènes »; les chiens et les chats notamment, au sortir d’un bourg enneigé, là bas à l’Est, font spectacle, mais toujours tendrement, comme un bon tour ou une bonne farce; Pentti Sammallatthi est un conteur hors pair quand il met en fable ces scènes d’un théâtre à ciel ouvert, quand s’improvise une réalité tendre, que le Maître fait advenir par sa camera pour notre plus grand ces saynetes enjouées, bonheurs d’enfant.
On pensera à cette tradition picturale du paysage, il faut voir absolument l’ensemble présenté ici, d’une belle ampleur dans une contemplation sans défaut, réjouissante, affable, fabuleuse, au sens premier, appelant cet humour devant le monde habité de nos compagnons des quotidiens, chiens, chats, joyeusement., ou venus du monde sauvage, flamands roses , cygnes, canards, oiseaux sur la branche d’un arbre, vol d’étourneaux dans un ciel blanc, pour un seul miracle, dira le conteur, celui du bonheur de sa photographie dans un monde en paix et en contemplation.
Lire mon article paru à cette occasion: https://pascaltherme.com/pentti-sammallahti-deux-expositions-parisiennes/
Annie Marie Musselman, américaine, quant à elle, expose FINDING TRUST, une photographie plus documentaire, « responsable », comme un journal où, s’occupant des oiseaux blessés, abandonnés, elle trouve une vocation à les soigner au sein d’un dispensaire pour animaux blessés. Elle raconte ses liens avec ceux-ci et l’incroyable relation d’amour et de confiance qui s’en dispense; elle raconte: » À cette époque, j’ai soigné un jeune corbeau blessé (enchaîné dans sa cage) que nous avons appelé Angel. Il est devenu ma muse. En le regardant dans les yeux, j’ai vu ma mère, mon père et tous ceux qui m’avaient aimé. Il m’a appris des choses qu’il m’est difficile d’expliquer avec des mots. Angel était un esprit ancien qui m’a montré son intelligence, son amour, sa confiance et sa parfaite innocence. Il m’a guéri, et il me manquera à jamais. Equipée de mon appareil photo, j’ai capté des moments de résilience et de renaissance qui se sont révélés être le miroir de mon propre voyage à travers le deuil et la guérison. Ces images témoignent également de la prise en compte du temps et du pouvoir du renouveau après la perte d’un être cher. » in dossier de presse du festival. lire plus sur https://festivalduregard.fr/photographe/annie-marie-musselman/
Michel Vanden Eeckhoudt, représenté par la galerie Camera Obscura et diffusé par l’agence VU’ a été un grand acteur de l’image fixe, pendant des années ayant par ailleurs co-fondé l’agence Vu avec Christian Caujolle en 1986, il est décédé en 2012; son travail reste de premier plan; la série Zoologies exposées donne à voir des images prélevées dans les zoos, quand les animaux sont captifs, dans cette séparation triste, trouvant une sorte de complicité à les regarder à travers les vitres, notant des attentions particulières avec les regards d’enfants, alliant la légèreté au tragique, dans un regard rigoureux et tendre, dans une distance juste et amusée, provoquant une sorte d’interrogation dans ces constats, dixit Sylvie Hugues; il y a aussi des images plus libres, celle de ce cheval fou en plein bourg m’a fait pensé à l’indomptable, aux forces vives du vivant, à Arrabal, notamment dans une approche de cette liberté sauvage, dans cette folie explosant hors de la domestication, comme une force indomptée, brute, plus que brutale, il faut être séduit à ce moment par cette liberté sauvage en pleine rue, métaphore d’une nature somptueuse, rebelle, non domesticable vivante en soi, appelant ce retour au sauvage, à une primitivité essentielle de l’ instinct…l’exposition comporte nombre de vues silencieusement actives dans de très beaux tirages noir et blanc. lire plus https://festivalduregard.fr/photographe/michel-vanden-eeckhoudt/
PROJECTIONS FILMS
Amitié sauvage – Conte photographique de Jean-François Spricigo.
Projection de photographie sur le thème Animal réalisé par Jean-François Spricigo projeté en continue – auditorium du Carreau de Cergy –
bande son du film enregistrée pendant le film …. AMITIÉ SAUVAGE
bande son et texte de Jean François Spricigo, AMITIÉ SAUVAGE, lu par lui même lors de sa diffusion a l’auditorium.
« j’ai appris la photographie avec un chien, c’était la nuit, enfin les nuits, …. » à écouter ce texte magnifique, qui nous vient par cette voix profonde, au timbre de pierres roulantes, mue par un texte touchant, rencontres d’une émotion, d’une voix, d’un souvenir à l’évocation de l’ami, du passeur d’ombre, de la personnalité animale d’ Iko, le chien de Jean François Spricigo, nous ne pouvons, à notre tour que nous interroger, dans la foulée du promeneur nocturne et solitaire à la seule compagnie de ce compagnon magnétique, du voyage de la nuit, de la traversée de l’ombre, de la paix immémoriale qui en structure toute la présence dans la révélation. Toute une poétique en nait par ce grand bonheur de l’entendre, clarté sur tant d’ombre, genèse du photographe grâce au passeur, figure du chien qui habitait, en psychopompe, le panthéon égyptien, Anubis, grand canidé ou chien sauvage, dieu du passage et des embaumeurs….
Cette perspective de la naissance d’une vocation se révèle par un lien inaugural à son fidèle compagnon. Le film est absolument magnifique, non seulemnt par l’oeuvre qui s’y déploie, les photographies d’animaux de jfs, mais également par le dire de comment où et quand s’est fait le choix d’être photographe. Toute la trajectoire de l’œuvre à venir s’y inscrit en donnant une résolution rétrospective aux différentes expositions vues récemment.
Personnage à part entière, IKO est un passeur. Jean François Spricigo a cette capacité à tourner ce regard en lui, à percevoir, à s’éprendre de l’intensité sauvage qui habite la nuit ancestrale, mythique, à traverser ce qu’il en perçoit et ce qu’il en reçoit en tant que mysterium et interrogation sensible. Il s’empare visuellement, émotionnellement, (en mouvement) ,dans ces confessions illunées, de cette nature à l’évocation du mystère de ce qui anime le monde; la photographie devient une aventure intérieure dans la saisie des ombres, leur écoute au sommet de l’invisible force de vie qui en anime par son souffle secret la présence, toute la présence; il s’agit sans aucun doute du mystère de cette phusis grecque ( φύσις) de la philosophie. L’intérêt croit en son auditeur du gain de l’ombre aux surgissements de ses images – imago scripti – La notion d’énigme habite cet imago scripti ( une image devant être écrite…) comme une nature seconde, une étymologie du Mystère et de ce qui le fonde et le régit, phases qui apparaissent au photographe entre photographie (rêve) et réalités et qui investissent le réel de son travail photographique. Jean François Spricigo est aussi un passeur.
Une écriture photographique, libre d’elle même, s’en étant remise à la présence essentielle d’être au monde, par le monde, trouve ce qu’elle cherchait à exprimer par l’écoute profonde d’un voir, la camera devient boussole, pointant un nouvel espace tant mental que physique, objectivant son mouvement en cette photographie, qui déborde, dé-lit les pratiques usuelles moins inspirantes, plus factuelles, plus ou moins conventionnelles, pour faire surgir, de ces yeux éluardiens, cette sur-réalité de l’intime , cette introspection teintée d’onirisme, voire d’orphisme, dans un geste manifeste revendiquant cet éveil au monde en dehors de son apparence. Le but en est d’ en saisir la pleine portée poétique, symbolique, métaphysique; cette résonance devient raison et éveil du sujet inavoué. Il y a là une ascèse et une opération plastique métaphysique, le chien est devenu ce passeur de l’ombre, ce compagnon familier aimé et aimant.
C’est en cela que la photographie de Jean François Spricigo s’ouvre à l’infini, s’ancre dans cet ici et maintenant, parle de ce dialogue de l’intimité avec tout le Vivant, le sujet de l’énonciation est tourné vers le Un, universel en somme dans la quête de ce qui fuit au delà des apparences.
Écoutons le, Jean François Spricigo se livre dans ce film à un exercice à l’honnêteté fondamentale, celle qui occupe ses fondements; lors du film, montage d’un texte lu avec présence sur sa production photographique, c’est sa voix qui parle sous l’image de cette raison profonde dans ce dire clair, distinct, aimable, prodigue, dans une interrogation retour sur cette dé-couverte, et sur l’étrangeté de ces rapports à la vérité de l’ombre, à la genèse de cette lumière venue des ténèbres, « des instincts, les yeux seuls ne sont pas suffisants, » dit sa voix, pour cueillir les ténèbres, c’est aux ténèbres à générer leur propre lumière, et cette nuit là, les instincts en éveil, j’ai vu danser les ombres, les ténèbres étaient disposés à se confier, ce soir là…. j ‘ai alors saisi l’appareil photo, comme on prend sa propre boussole, réinventer mes points cardinaux, et cesser de confondre le trajet avec une supposée trajectoire; j’ai appris la photographie avec un chien, la réponse était en vérité la question,…. mais peut être devrais je dire que j’ai reçu de ce chien ce que me révèle depuis ma photographie, il s’appelait IKO…. » un passeur sans aucun doute à présent.
LA PANTHÈRE DES NEIGES DE VINCENT MUNIER
Documentaire réalisé par Marie Amiguet et Vincent Munier
2021 – 92 minutes
Production : Vincent Munier, Pierre-Emmanuel Fleurantin et Laurent Baujard
CONCLUSION: Il faut impérativement aller au festival du regard à Cergy qui expose de grands photographes dans une édition très intéressante et gratuitement, dans une scénographie bien stimulante.
SYLVIE HUGUES revient sur l’aventure du FESTIVAL DU REGARD, interview en deux parties
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