SOPHIE BOURSAT 34 CENTIMES LA MINUTE

34 centimes la minute par Sophie Boursat aux éditions du Canoë

« Olivia, la narratrice, est voyante au téléphone. Elle travaille pour Résorg-position, entreprise aussi trouble qu’agitée, qui fonctionne comme un monde miniature, comme un négatif de notre société. Tous les jours, Olivia, employée appliquée, sincère et généreuse, prédit l’avenir à celles et ceux qui l’appellent : êtres minuscules, désespérés, drôles ou détraqués, dont une voix au téléphone semble incarner la seule possibilité de vie. Des liens se créent tandis que l’entreprise périclite au rythme des guerres intestines. Comme un asile à voix ouverte, Olivia accueille des bribes d’existence. Tout cela pour 34 centimes la minute… » https://www.editionsducanoe.fr/livres/34-centimes-la-minute

 

 » je travaille pour une société qui vend du vent au téléphone. Il y a de la voyance. Il y a des chats ado. il y a du sexe. Il y a du chat homo. Je travaille 27 heures par semaine, parfois la nuit et le week-end, pour un SMIG amélioré de primes de nuit et de dimanche,…. » ce sont les premiers mots du roman, une  entrée en matière dans un cadre; on se dit qu’on va se rincer l’œil, la dalle, que dalle, tout reste intelligent, précis, à distance, dans une proximité de « service », comme si Sophie Boursat décalait son propos en le redirigeant vers ce lecteur inconnu, lors de l’écriture. Enfin, il est question de mise en scène à travers les mots de l’écriture, afin d’entrer dans le théâtre de la vie, indirectement et par téléphone…comme si tout se passait, là, à côté, dans la pénombre voisine de l’appartement d’à côté, dont la fenêtre, ouverte laisse entendre les conversations…ah que ce petit décalage est  « jouisseux »….

34-centimes-la-minute SOPHIE BOURSAT 34 CENTIMES éditions

SOPHIE BOURSAT

 

C’est un roman bien sympathique, à l’encre sympathique bien sur, écrit dan une langue directe, sensible, sans chichi, à fleur de peau, causeur en diable, un peu de la gouaille si parisienne d’atmosphère, atmosphère, ici, plus sibilyne, venant décrypter une expérience de vie; le début des années 2000 donne une couleur hivernale à ce précis d’histoires passantes, comme des bandes passantes, électro, rock, tout de même…

 

Olivia en est l’héroïne, cartomancienne, psychologue, savoir vivre et savoir être, lui permettent de répondre à nombre de situations dont, on n’a a pas idée. Les consultations sont ramassées, tendues, sont évoqués mult problèmes des quotidiens, selon, la situation de chacun; (va t-il revenir, je vais me faire virer, et elle quand revient-elle ?, dois-je aller à NY etc…) chacun voulant conseils et guidages sur ce qu’il doit faire, pour s’en sortir… toute une faune de profiles s’affichent, tandis qu’Olivia, notre voyante, conduit ce train majeur à travers la nuit… on pense souvent au cinéma de Truffaut, à ce Paris noyé et aux commentaires d’Olivia, sa finesse tactique, son apport sans triche, à une forme de vérité essentielle et de « quasi divination », dans ce « traitement des « cas » qui lui parviennent, souvent en cascade.

 

Rien n’est oublié, ni de la société qui l’emploie, qui exploite nombre d’intervenants, dans une logique productiviste, avec ses surveillants, ses sbires, bon nombre de salauds et une méga salope (la directrice) qui fouettent ce petit personnel, suspendu à un fil…et qui s’assemble à la machine à café… fuites et messes basses en tout genre, s’ébattent au fil des pages dans une lutte continue pour le pouvoir…le sexe, la soumission, les jouissances de la domination…

 

Bien des situations sur lesquelles Olivia doit intervenir sont à l’image de la vie de nombre de gens, avec des crises et des épisodes difficiles, sorte de mauvaises histoires comme il en existe autour de soi, histoires courtes aussi, si bien que leur succession est assez piquante pour que le lecteur se sente, dans ce différentiel de l’écoute décalée, au côté d’Olivia, et qu’il prenne plaisir à vivre par procuration, dans une distanciation, ces histoires qui pourrait alimenter sans aucun doute les rubriques de faits divers, si elles n’étaient, au final si banales dans leur chute. D’ailleurs, toute sont vouées à retourner à l’océan dont elles sont sorties, sous la fine plume de Sophie Boursat, un peu plus légères, un peu moins amères, un peu plus confiantes.

Mais là, n’est pas le plus intéressant, il y a un côté très documentaire, bien documenté, qui sert à l’Auteur à avancer dans un récit où humour et circonspection, forment un portrait en creux, d’Olivia, puis de de Sophie Boursat, en demi-teinte.

J’ai, pour ma part, passé un excellent moment à suivre ces échanges aux seuils des fatigues de l’année, ce roman de l’instant, pour sa fausse séduction artificielle, un voyeurisme qui n’a plus d’objet, car le récit est éclairant de douceurs, d’humours, de sympathies, de dons, cueillant par la même, les fleurs de la compassion, de la souffrance d’une certaine condition humaine…, sans quoi l’immense absent serait en soi, le Jeu de  tarot, qui déploie ses lames dans un éclair à faire et défaire, comme un herméneute, les aléas de la vie, le défi des apparences et la lumière plus crue des passions ……. On aurait aimé que cela se déploie un peu plus.

Magnétisme, Serge….

Capture-décran-2022-06-24-à-12.18.38 SOPHIE BOURSAT 34 CENTIMES éditions Pascal Therme, 23 Juin 2022

 

 

 

 

 

 

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