FRAGMENTATIONS et MÉTA-IMAGES devrait se nommer l’expérience de la Fragmentation de l’espace et du temps sur un sujet qui appartient au champ de la représentation et qui fait photographie.  Ce travail de fragmentation du champ visuel, propose une approche « déconstruite et reconstituée » des sujets abordés, Architectures,  Grands Paysages, Portraits, Nus.

 Les sujets sont de grands paysages, des portraits, certains espaces intérieurs, des nus et des architectures, tous sujets traités par la Peinture, pris ici comme sujets du regard, plus, de sa constitution dans une approche du Voir, simplifiée à mon sens par l’Instant T et la perspective unique, définis par une approche historique classique de la représentation.

FRAGMENTATIONS et MÉTA-IMAGES rend compte de la déconstruction- recomposition d’un sujet à travers les multiples morceaux qui la reconstitueront différente au final, selon certaines règles, occurrences, dans une syntaxe précise.

IRLAND-Savage-RoadConnemaraIRL FRAGMENTATIONS et MÉTA-IMAGES. ART PHOTOGRAPHIE

Time Out: Fragmentations et Méta-Image Techniques:

A partir d’un balayage vertical et horizontal improvisé, à mains levées, de l’espace, je décompose, parfois sur plusieurs axes, mon sujet, à la recherche d’une plasticité du regard dans la découpe de ce qui s’offre à l’oeil, ou que je mets en scène, selon l’optique utilisée (du 35 mm au 180 mm ).  Au montage, par le jeu de l’association des nombreuses photographies, appelées éléments,  je re-compose l’unité approximative, non homogène, de mon sujet. J’utilise dans la direction artistique recherchée, les différentes occurrences, règles, afin de produire une oeuvre autonome et originale, qui rende compte de cette vision fragmentée, en relation avec une perception dite moderne. il s’est agi de trouver une écriture qui rende compte de ma perception du monde et de ce qui faisait pour moi, regard. Ce fut l’abandon de l’instant T, voire de l’instant décisif de Cartier Bresson et de la perpective unique de la Camera Obscura.

EYES WIDE/WILD OPEN  est issu d’une définition théorique liée à une approche multi-perpectiviste et au renouvellement de la vision dans deux références prestigieuses, celles liées au Cubisme et au Pop Art https://fr.wikipedia.org/wiki/Pop_art  à travers David Hochney.

La finalité a été de faire jouer et de mettre en scène ce regard dont la rupture de la continuité est une marque de ce temps.

Agir un renouvellement de celui-ci à travers les ruptures du réel et libérer un certain nombre d’occurrences liées à la prise de vues puis au montage, rapprochant cette pratique des installations, du dé-ploiement du sujet de la composition dans un dé-pliement, par une écriture spécifique, afin que le sujet traité puisse s’établir définitivement dans l’espace du Voir ( le ça voit lacanien), pratique que Jean Claude Lemagny qualifia en Arles de sculptures photographiques en 2008.

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Ce regard cherche, dans l’intimité de sa réalisation et des différentes opérations nécessaires à celle ci, à interroger de concert à la fois la plasticité des sujets abordés et ce regard « moderne » toujours sollicité, envahi, débordé, au bord de l’implosion, comme un retour à une certaine surface, se reconnaissant parfois dans le mouvement Supports/Surfaces dans sa critique de la profondeur, dans l’élection du seul sujet qu’est la peinture pour elle même, sans aucune projection d’ordre historique, mais comme un fait brut.

Hic et Nunc. Ici dans mes compositions se condensent toutes les approches picturales, représentations, à travers le geste photographique posant sa pratique dans une contamination des langages esthétiques et picturaux.

Time Out: Fragmentations et Méta-Images pose la question du regard et de ce qu’il voit, perçoit, aperçoit. Un retour de conscience se fait là où se réfléchit la question: qu’est ce qui fait photographie, regard, aujourd’hui en photographie, non pas d’une façon abstraite, intellectuelle, mais dans son champ perceptif, dans une représentation sensible.

Time Out: Fragmentations et Méta-Images, Plastique et méta-psychologie.

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Jessica, 9 éléments, Paris

En sollicitant le rêve et sa dynamique psychique, le rapport à l’invisible, au caché,  au contenu latent, au secret, au désir, le photographe, ce graphe de lui même, passe de l ‘éblouissement devant le sujet à son souvenir, puis du passage du rêve à sa trace,  (entre les prises de vues et le montage).

Le photographe pour obtenir quelques gains, grains du réel – traces de sa propre vérité et donc de son être là – est obligé de construire une pratique en plusieurs temps, nourrie de différents types d’ interventions. Il est à son écriture et celle ci lui imprime l’obligation finale d’emprunter le chemin du songe, de la rêverie, du rêve éveillé, guide invisible de sa propre Psyché, dan une certaine involonté et une intuition effective, sollicitant ses cinq sens, pour faire œuvre, faisant bouger le sujet, paysage, portrait, nu, le soumettant à sa structure, puis à ses formes, le décomposant par éléments (le corps osirien), afin d’en extraire toute la substance, tout l’interdit, toute la profondeur et la surface, dans une permanence de l’immanente Beauté. Est-il à ce moment ce contre-Chronos dévorant?

En établissant dans FRAGMENTATIONS et MÉTA-IMAGES, ce processus  psychologique, mythographique, le photographiant suscite plus intimement une métaphysique du désir et du jeu, pour retrouver plus secrètement une proposition de partages et d’éveil. Il se pose la question égale de l’écriture et du sens de sa pratique, tout en laissant la photographie inscrire en lui les traces de cette aventure toujours particulière, afin de faire retour sur sa vie, positivement. Il s’agit d’ouvrir les yeux éluardiens de l’âme, yeux fertiles à l’horizon des sur-réalités, dialogues avec l’invisible enchantement des Romantiques, franchir les portes de la perception pour forger l’expérience poétique visionnaire dans une écriture multiple, moins ambitieuse que fondamentale.

Time Out: Fragmentations et Méta-Images; Cette galerie comporte différents types de travaux, ceux issus en premier, des compositions réalisées dans une première période, à partir des Polaroids SX 70, début des années 2000, dont les bords des Polaroids ont été supprimés afin de ne plus voir la grille blanche du montage s’imposer à l’oeil dans sa signature hockneyenne et de s’approcher d’une image fragmentée uniquement par les rapports, raccords du plan.

C’est ensuite le recours à des focales plus longues que le 35 mm, du 85 au 180 mm pour multiplier le nombre d’éléments et entrer dans une plasticité de l’image plus grande dans son rapport format final / nombre d’éléments et de faire jouer plus, les rapports de surface.

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Enfin une troisième période s’impose dans la fusion des sutures, des décalages entre les images, afin de lisser soit totalement, soit dans un pourcentage élevé, la composition finale. Julia on the hill , réalisée au Connemara est faire de 40 photographies sur un angle d’environ 280 degrés.

Tout un mouvement créatif s’est libéré au fil des compositions inclues dans  Fragmentations et Méta-Images, faisant sens à l’arrivée dans ce constat. J’étais parti d’une critique de l’instant décisif et de la perspective unique pour dé-construire l’image, la morcelant de toute part, pour finalement revenir à une image unifiée, non pas à travers le choix simple d’une optique et d’un plan unique, mais à partir de la multiplicité des possibles, comme si d’un coup le miroir brisé hier, se recomposait dans une version plastiquement unique, dont le processus de production avait demandé de parcourir toutes les intentions du fragment pour retrouver l’unité. 

S’il faut en réfléchir une part, et pour moi même, il y a forcément une sorte de provocation à vouloir connaître le monde pour soi et en soi dans un processus de singularités et d’exceptions, d’aventures (ce qui advient) d’évènements, de recherches. Sortir des chemins tout tracés et s’enfoncer dans la forêt profonde, confondre l’ombre et ce qui la hante, dans une catharsis qui engage une sorte de Poétique plastique à l’œuvre.  La question de la jouissance  est ainsi au centre de la méta-psychologie du sujet inavoué qui reste au fond la question essentielle recouvrant le « qui suis-je? » Originel, devenu ce deviens qui tu es nietzschéen.

 « Le fait séductif se retrouve dès la Génèse : un savoir proposé, interdit, et de plus proposé par quelqu’un de duplice, si l’on veut bien englober le tentateur “à l’intérieur” du Dieu lui-même. »  Denis Vasse, La Dérision ou la Joie ? La question de la jouissance, Éditions du Seuil, 1999. 

Ces grandes compositions peuvent être articulées pour exposition dans différents formats et sous forme d’installation, selon les commandes.

« Déconstruire l’opposition consiste à établir que les deux termes se constituent à partir d’un élément formant leur condition de possibilité commune. Par exemple, la différance est le mouvement de production de tout réseau de différences…  La différance n’est pas un concept en soi, mais une intervention graphique qui crée une nuance qui « s’écrit ou se lit, mais […] ne s’entend pas. » in De la grammatologie, Jacques Derrida.

C’est pour Derrida un moyen de sonder les rapports entre le sens et l’ écriture.

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Julia on the Hill, connemara, Irland, 2008

De l’hyper netteté, du premier brin d’herbe à l’infini des monts, une perspective grandiose de plusieurs dizaines de kms, au 105mm, se présente sous la forme d’une simple image évoquant la chambre 4×5 inches, par le rendu de tous les éléments.

Plus que cela, elle est pour moi, devenue l’espace même du rêve photographié. Cela est du au plan reconstitué et aux perspectives intérieures. La petite fille en rouge semble  flotter, perdue dans l’espace, alors qu’elle a été photographiée dans le même rapport de plan, donc, proche physiquement. La voilà déplacée par toute la composition, comme re-située dans cet espace du rêve éveillé, où tout semble normal, mais où tout est étrange, de l’ aveu d’une certaine inquiétante étrangeté.

Le montage, la distorsion du champ photographique qui en sont nés, si l’on regarde de près, signifient l’impossibilité d’avoir eu recours à une seule image réalisée avec un matériel classique. Une perturbation de la spatialité nait du montage inter-actif, puis de la fusion des éléments, de la ré-écriture des sutures… projetant l’image vers cette perception de l’espace onirique que chacun a pu vivre à travers ses propres rêves.

Cette tentation de la fusion marque la fin de cette sérialité qui s’est exprimée à travers ce processus créatif pendant près de 18 ans, sur des sujets relevant de mon environnement.  Il a donné récemment les grandes compositions sur le Clos de Vougeot, faites pour être tirées en monumental, la grande calanque de Cassis, les éoliennes en Chablis. L’expérience de la monumentalité était inscrite dès l’origine.

©Pascal Therme, Juin 2021

 

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