Jardins paysagers, Parcs romanesques

Les jardins paysagers et les parcs romanesques se donnent au promeneur solitaire, sans réserve. Ceci est issu d’une tradition. Dans le dernier tiers du xviiie siècle, les écrits qui ont accompagné l’essor du jardin paysager ont été le lieu d’un renouvellement de l’imaginaire du lieu magique, un pouvoir de signifier un au-delà du visible. Parmi les paysages oniriques des récits de l’âge romantique, les décors de Laura de George Sand et Le Domaine d’Arnheim illustrent l’héritage laissé à la création littéraire par la féerie des Lumières. Mais c’est bien aux confluents de l’imaginaire et du rêve que se développent le sens architecturé du jardin à la française et la liberté de le peupler de présences, fontaines, statues, essences nombreuses et variées, haies et fleurs, afin que selon la fantaisie requise, celui-ci semble s’animer, sous la lumière d’argent de la lune, de l’invisible présence et que les ombres claires de la nuit soient le témoin enchanteur des séductions et des voyages, lors de fêtes galantes toutes romantiques et sidérales.

Le jardin paysager a été l’enjeu d’une réflexion qui a renouvelé profondément la représentation littéraire de la magie des lieux. S’il s’inscrit dans la continuité d’une tradition séculaire qui fait de l’hortus un lieu de manifestation privilégié du surnaturel, il invente une nouvelle écriture qui a modifié les manières de signifier l’invisible.

Alors que le modèle horticole humaniste et baroque y parvenait par l’inscription des figures du divin (les statues des dieux) dans le décor, celui-ci suggère le mystère en se fondant sur les expressions de la nature. Aspirant à la voie d’un onirisme élémentaire, le jardin le manifeste sous la forme d’une ambiance diffuse. La magie devient alors la métaphore du songe, qui architecture les lieux selon ses propres lois de composition du paysage. Mais pas uniquement, car le romantisme orphique d’Hoffmann célèbre également les transformations alchimiques des lieux qui se déforment, se teintent de la lumière intérieure des personnages, pour devenir étranges. Le concept d’inquiétante étrangeté, cher à Freud, en est sans doute issu.

L’esprit des lumières formule donc celui des jardins paysagers ou s’égraine devant le magique et le surnaturel, la preuve argentée des puissances créatrices de la nuit et les forces constructives de la raison ordonnante, si bien que deux jardins se superposent, celui nocturne emprunt de magies et de mystères , lieux des fêtes galantes et propices à l’Éros, sous l’esprit fécond de Dionysos et d’Astarté, et celui solaire, des lignes architecturées, des ordonnancements sages et lisibles, dédiés au jour, à la pleine lumière, aux joies de l’Harmonie d’une Nature disciplinée par la Raison et comme pacifiée dans l’harmonie des proportions, régentes de la Maîtrise de soi et de l’Esprit scientifique des Lumières, toute apollinienne. Ceci étant que le Jardin à la Française s’oppose toujours au jardin à l’Anglaise….. Pascal Therme

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