PHOT’AIX DIALOGUES EN AIX

Life-is-a-game-1-©-Michel-Kirch PHOT'AIX DIALOGUES EN AIX. ART

Life is a game 1 © Michel Kirch

Le festival PHOT’AIX ouvre sa 18 ème édition à Aix en Provence, et présente à la galerie Zola, REGARDS CROISÉS. Ceux ci portent les dialogues, cette année de dix photographes autrichiens et français, réunis dans une conversation où deux propos se croisent, s’enrichissent, se différencient, toujours en relations, en rapports singuliers? Ce choix de différenciation repose sur l’idée de faire dialoguer des oeuvres entre elles, de créer une relation et de s’attacher à une photographie comparée. Assez innovant pour apporter une distinction à un Festival qui se situe à proximité des R.I.P. d’Arles et dont l’économie est toute autre. Après Cuba, Barcelone, le Japon, la Belgique et la Chine en 2017, le pays invité cette année est l’Autriche. les photographes  invités sont: Michaela Bruckmüller, Michael Michlmayr, Werner Schuster, Helmut Steinecker, Hans Wetzelsdorfer,  pour la France, Bénédicte Hanot, Gérard Staron, Muhanad Baas, Philippe De Crest et Michel Kirch.

 

L’espace E.Zola, plongé dans le noir, silencieux est un bel écrin pour que démarrent ces conversations secrètes. Le travail de Michael Michlmayr est une compression de la relation espace/ temps qui fonde son approche des lieux, autoroutes, escaliers mécaniques photographiés en plongée, où s’accumulent les personnages dans des scènes du quotidien. Gérad Staron lui répond par un déploiement de type grand panoramique où sont présents des personnages installés sur un escalier sans fin. ces deux points de vue s’assument dans une compression du temps de l’accumulation pour le photographe autrichien et un déploiement plus sériel pour le français, notamment dans la pièce intitulée Faux-semblants.

Ils s’en expliquent ….interview

 

Suit la série Inner Light de Michael Kirch, puissamment poétique et visuelle, fécondée par une maitrise du médium afin d’assurer une propagation aux images, autonomes, très intérieures, relevant plus volontiers de l’art contemporain. Michael Kirch a « Une force d’âme », est mu par une force créatrice, visionnaire, contemplative qui irradie ces paysages intérieurs liés à la lumière, comme les miniatures des peintres, issues d’un cabinet de réflexion. La jeune silhouette qui se balance à la lune sur une mer sage semble issue d’un conte d’Ozu et empreinte au cinéma, la composition « des astres » est une incitation philosophée sur nos déterminismes, un rêve étrange d’humanisme s’y inscrit. Life is a game montre un homme nu courant derrière un pierre ronde, dans un cercle, délimitant le ciel, fusions des perspectives intérieures entre le ciel et l’agrégat terrestre venus se fondre comme une vague lunaire, proposant une interprétation du mythes de Sisyphe, ici. Le dialogue avec son homologue autrichien permet de confronter une maïeutique élective, assemblant l’espace du rêve. Une lecture du concept qui organise la série de Wetzelsdorfer, faisant face et dialogue, se fait en creux pour la faire apparaître  comme artefact de sa psyché. Ce retour lui donne une présence supplémentaire, valorise la série du photographe autrichien, qui se trouve comme « décollée » de son concept pour établir une présence visuelle moins anecdotique

 

 

Quand les Natures vivantes de Bénédicte Hanot, déposées sur les cimaises dans un signe ou l’infini parait, répondent dans leur douceur et dans cet esprit si pictural, très 18 ème, à l’installation du Memento Mori de Michaela BruckmüllerDanse Macabre, un vrai frisson saisit le spectateur. Les correspondances sont évidentes, Michaela évoquant plutôt ce romantisme à la Edgar Allan Poe, assez présent dans les trois portraits où s’affirme la présence fantastique de trois femmes âgées, comme issues d’un conte fantastique. Le regard ne cesse de passer de l’une à l’autre pour saisir ce qui circule entre elles. la mort de Marat, le corbeau mort sur un grimoire ouvert, les plumes de l’ange, les corolles fanées, sont également issues du geste créateur du Quattrocento,  mais s’abandonnent ici dans leur déploiement à l’esprit de Delacroix et des Lumières.

 

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Botanix de Muhanad Baas

 

Entre Muhanad Baas et  Werner Schuster,  l’utilisation d’éléments photographiés au Rayon X pour part ou totalement donne deux oeuvres dissemblables et pertinentes. Muhanad Baas a photographié des fleurs, muguets et plantes diverses dans une infinie douceur; on pense tout d’abord à un exercice classique en Noir et Blanc, dépouillé, simple dans l’apparence, poétique, la lumière glisse sur les corolles et sur les feuilles, mais le trait apparait aussitôt, graphisme des peintres botanistes de l’encyclopédie, de l’universalité de l’homme devant la Nature éternelle. Tout à fait singulier, le X RAY développé à s’y méprendre comme un plan film noir et blanc classique fait apparaitre les graines à l’intérieur des corolles, augmentant la vision des surfaces par celle de la structure devenue transparente et limpide, un exercice qui se rapproche de l’Oeil divinisé et total qui voit tout, sans doute une évocation de l’oeil d’Horus…  Cette photographie réintroduit l’ esprit poétique d’un végétalisme descriptif , proche de la relation d’une photographie japonaise minimale.

 

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ratten im haus © Werner Schuster

Interview….

LE FESTIVAL par Brigitte Manoukian, directrice de l’association, La fontaine Obscure et de l’association du même nom.

Interview

Il existe des processus secrets pour dire en quoi la lumière dépose et révèle les berges où sont passés les ombres ténébreuses et claires des matins magiciens, rosée des poètes et photographes. Ceux ci arpentent les continents, bourlinguent, cherchent ce feu prométhéen volé, soif inextinguible qui s’établit contre les apparences. Voilà à quoi se consacrent ces poètes de l’instant, de l’instantanéité reconquise, au pli d’un temps intérieur et fécond, dans une dynamique éclairante. Voilà pourquoi une volonté, issue de l’Association la Fontaine Obscure, organise ces pas, horloge dont les aiguilles marquent l’heure immédiate et plongent le visiteur au coeur d’une photographie choisie, de qualité.

Il est des chants dont la fréquence affleure naturellement au terme d’un processus de création et qui court sur le temps, développant l’ouverture des possibles, dessinant la réception de l’autre comme une main ouverte et tendue, où ne sommeillent pas seulement les bienveillances socialisées des contemplations, mais également l’urgence d’une parole infatigable… D’autant plus accorte que tout se donne un souffle, que le temps du secret ouvre de l’intérieur la pertinence du regard, valeurs et discours émancipateurs, irruptions, au sein du convenu et des aperçus réducteurs.

Tout cela n’apparait que peu dans le champ social, ou s’il vient à être c’est dans une sorte de miracle collectif et pensé, dans une intransigeance qui fond le compromis et élabore le lien. Voilà pourquoi les énergies des “petits” festivals est remarquable, sans argent, où si peu, celui ci se dote d’une crédibilité portée par une fièvre, une foi qui embrase, comme un feu. Beaucoup d’énergies participent à créer cet équilibre du Festival pour en donner une édition pertinente. A comparer aux RIP voisines, Phot’Aix s’inscrit à la fois parfaitement dans ses territoires et contribue à diffuser des oeuvres sérieuses et fondées dont la notoriété n’a pas bien sur, la notoriété de son important voisin. Mais quelle différence en même temps de situations économiques. Avec un budget minimal, (460 fois moindre…???) sans cesse en difficulté, Phot’Aix a fait le pari de l’implication généreuse de ses membres. Sans cette énergie le festival qui séduit la ville serait voué à disparaître.

Aux songes d’hier, aux rêves de succès et d’argent s’est substitué ce soleil qui irradie et réchauffe, ce plein soleil de midi où s’ouvrent des expositions qui se proposent généreusement, dans leurs propos à la trace de ces mains sur l’ouvrage du jour. Non qu’ils passent comme des trains rapides sur une lande close et calme, au pli de l’onde, ce lointain qui approche sa raison de son orbe, mais qu’ils situent courageusement leur action responsable vers l’enclos des jours … Les photographes sont en bien des mesures ceux qui voguent sur le monde, font le voyage du rêve éveillé. Ce qu’ils y perçoivent, ce qu’ils y voient, ce qu’ils en rapportent, se détache des cimaises, affleure, saisit.

La lauréate des parcours 2017, issue des dialogues avec le pays invité, la Chine, Yu Hirai, est exposée à la Fontaine Obscure. un lien pérenne établit ainsi un fil rouge d’année en année. Trois parcours photographiques ont élus droits de cité dans la ville, reçus par des lieux partenaires, sur trois thèmes, Voyages Immobiles, Vanités, Amour, présentant une quarantaine de travaux. Tout ceci est lisible, visible  jusqu’à la fin de l’année 2018.

La programmation générale du festival est établie par le collectif associatif La Fontaine Obscure dans ces trois interventions et regroupe, fédère nombre de bénévoles, de partenaires, d’amis, sans lesquels ce formidable travail ne pourrait s’inscrire dans sa forme soignée auprès d’un public de plus en plus concerné. Ainsi les parcours animent en permanence la ville d’Aix en Provence, où sont proposés sous la présence des photographes invités, un dialogue avec le public, après que ceux-ci aient pris le soin de présenter leur démarche et leur problématique. Le parcours Vanité pour exemple m’a semblé riche et surtout d’une vraie pertinence.

Han Wang & Michel-Alain Louÿs exposent Le rêve de distinction à l’Atelier HB design, 1 rue Manuel. lauréat du prix PhotoArt 2018, travail sur un parc de villas de luxe abandonnées, réservées en Chine aux nouveaux riches, s’éprend des traces que la Nature recompose à partir du vide dans un retour au plein du cycle des saisons et au regain de vie enchanteur qui repeuple le vide et le délitement de ces villas abandonnées. Plus que la mesure du passage du temps et de la poésie de l’abandon, des lieux rendus à eux mêmes, procès romantique, voire proustien, c’est l’action du temps à réaliser cette série sur plusieurs années qui instruit une réflexion du binôme de photographes, quand, à un point de ces prises de vue, le photographe intervient en accrochant un rideau rouge sur une baie vitrée, faisant résonner l’espace vide photographiée dans une fréquence auto médiale, geste du sage, action du peintre et du plasticien. Une magie en nait. Il faut céder aux charmes et aux envolées de la présentation de ce travail faite par l’auteur, en personne. http://www.editionsphotoart.com/louys-wang/    https://www.behance.net/rachellewang

Aurélien Cillier expose Mystiques au magasin Général, 3/5 rue Matheron, un ensemble de tirages sur dibond Aluminium brossé ou cuivre de photographies de la statuaire sacrée antique, portant la présence du Mythe à travers ses dieux dont la silencieuse présence habite le photographe qui s’en est émerveillé, la discussion avec la public questionne la notion d’impermanence entre tradition bouddhiste et puissance mystérieuse des dieux grecs et latins, dont la statuaire habite les rivages méditerranéens. Quel est donc ce Myste qui sommeille en Aurélien Cillier?

Olivier Mattei & Muhanad Baas exposent le temps du silence à la rue des bouquinistes obscurs, 16 rue Matheron;, un a-perçu de châteaux vides et abandonnés, s’enfonçant dans la pétrification de l’Histoire, résonances romantiques du songe d’un autre temps, résidant dans la lumière nacrée d’un bel après-midi, venue caresser ce piano au sein d’une grande salle, étonnant de présence, suscitant le remord et la fiction. Mais il n’est pas question uniquement de cette belle photographie issue d’un film mémoriel et souhaité, d’un décor à la Barry Lindon. Certaines images se forment au delà de la photographie comme un rêve qui s’éprend de ce rideau tombant avec au pied un bâton, si bien que par l’ouvrage du temps apparait le sacre désuet d’une impératrice déchue; on pense immédiatement à Joséphine, ce en quoi, ce précis photographique aborde les territoires de l’indistinction des ombres et la présence avérée d’un imaginaire scriptural. Magie encore de ce qui se joue de notre oeil dans le miroir enchanté de cette fontaine obscure, obscura, inversée par la limpidité des retournements du sens, ouverte à la lumière de l’antécédence, ici, une sorte d’engouffrement du temps est saisi dans sa pertinence plasticienne. La réception de cette image par le binôme de photographes signe un retour de la présence d’un artefact du temps dans une résolution plastique. Génial sur le plan métapsychologique.

Suivent Corinne Garcia, Fracas 1, rue Gibelin et Neil Donovan, Seule, 46 rue du Puits Neuf

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Escalier © Gérard Staron

 

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