CHAMBRE 812, UN LIVRE DE LOUISE NARBO ET DE DOMINIQUE PERRUT PUBLIÉ PAR ARNAUD BIZALION ÉDITEUR.

 

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CHAMBRE 812
©Louise Narbo

Voici un livre bien étrange, mélancolique, écrit à quatre mains, autobiographie, romancée ou non, auto-fiction…c’est, parait-il le fruit d’un paris d’amoureux entre la photographe Louise Narbo et l’écrivain nouvelliste Dominique Perrut, son compagnon depuis 48 ans. CHAMBRE 812 est ce retour de la promesse faite il y a environ quarante cinq ans, à cette période des études. Il y a là comme une preuve qui scelle ce temps du pacte sous la forme de souvenirs, de courts textes manuscrits, collés parfois sur les photographies, dans un jeu actif répondant à ce qui pouvait apparaitre à l’époque comme une gageure, cette convention bourgeoise du mariage avec enfants, nous sommes en 1975, et la réalité de cette union, de cet engagement aujourd’hui d’un demi-siècle.

Ce livre d’associations entre des textes écrits visiblement plus récemment et un choix d’images issu du confinement, sans rapport autre que métonymique à cette période, offre  au lecteur une possibilité de s’inclure dans un livre syncopé en relation avec la chair des mots et l’évocation de présences, plus ou moins dilatoires, fantomatiques, dans un brassage de sensations et de photographies donnant une alternative au passage du temps; c’est un objet littéraire qui manie une forme d’autobiographie à deux voix, un rapport entre certaines photographies issues lors du confinement du travail de Louise Narbo et les textes, issus du journal de Dominique Perrut, un couple voulant revenir au lieu fondateur des débuts de leur amour, croit-on comprendre, cette chambre 812, matrice, situant le retour du dialogue amoureux en un lieu mythique, défiant la restitution, faisant appel à un nombre de souvenirs, disjoints, de réminiscences, de migrations vers ce sanctuaire qui en serait le dépositaire et le garant.

La chambre 812 est une camera obscura, chambre mystérieuse, rémanente, toujours active; ici la photographie n’est jamais en deçà du texte mais en partage, afin de précipiter cette mémoire dans une sorte de présent éternel et de faire mémoire, au moins métaphoriquement.

 

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CHAMBRE 812 ©Louise Narbo

« Durant ses études, un homme a occupé la chambre 812 d’une résidence universitaire non loin de la place Denfert-Rochereau. Depuis, ses rêves et pensées n’ont plus quitté ce lieu, comme si une force irrésistible ramenait son esprit, aux temps incertains de l’entrée dans l’âge adulte. Racontant une histoire à la fois singulière et familière, voici une fiction composée d’archives et de photographies en noir et blanc de Louise Narbo, …  » Maxence Loiseau

 Est-ce si sur…? Entre octobre 1975 et Juin76, la chambre 812, continue d’émettre les souvenirs de cette jeunesse étudiante et littéraire. Un livre étrangement en nait, cherchant à extraire ce temps évanoui de ses silences, de son ombre portée par l’infra-ordinaire et l’ordinaire à travers les mots d’un journal contant l’humeur, l’esprit, la fatigue ou l’angoisse. Le témoignage d’une transition se fait palpable, l’angoisse en est un des acteurs, la difficulté d’être, de vivre, sonne comme un renvoi à l’absence, comme une issue fatale à ces années condensées dans ce voir,  lié à cette écoute rétrospective, à cette instance mémorielle et fondatrice comportant textes anciens, notations, conjugués, formant une mosaïque d’instants et de lieux perdus et retrouvés, s’enfonçant dans la nuit,  réhabilités des années après…

 

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CHAMBRE 812
©Louise Narbo

C’est une nuit mémorielle à la photographie dense, au noir profond, graphique, « sérieuse », concentrée, austère, presque sévère, sans compromis aucun, ouverte cependant, à l’ailleurs, aux chants des oiseaux, aux bruissements de l’heure, à cet invisible ton du temps dans son empreinte, dans son message, comme une lettre volée (Edgar Allan Poe) se fondant, invisible, dans une vérité passée et présente.

 Il y a ce paris brulant d’un mariage improbable, ce Paris brûlant, semble t-il, qui réclame, à travers le temps, d’être toujours repris, ce, en quoi sans doute ce livre à quatre mains propose un retour, accordant sa raison et son jeu à une mobilité des interstices….. comment se séparer d’ un fantôme incendiaire qui continue à faire mémoire, à attendre de ces yeux brûlés, éluardiens, un chant d’amour, résonances de ces voyages du quotidien, de cette chambre d’étudiant du quartier Denfert rochereau où s’est fondé le couple inaltérable, au delà de ses combats, de ces promenades sur la Seine, de cet escalier, de ces souvenirs  venus hanter ce temps présent dans sa « gloire » comme s’il s’agissait  au delà d’ un lieu de haute mémoire apte à entrainer le lecteur dans sa course.

  Il m’a semblé que sonne encore aujourd’hui cette promesse brûlante, phare dans la nuit, où la chambre 812 est cette instance poétique et plasticienne, mue par un écho visuel; j’entends le pas mal assuré qui fait grincer l’escalier, le chuintement de la porte ajourée, l’odeur du café, le matin, la cigarette, le bruit de la plume sur le papier ou celui de la machine à écrire, l’odeur de l’encre, la douceur de ces bras…..; réductions du silence, un film se fait mental, à propos des sensations retrouvées intactes où s’épanouit visuellement l’image altérée, rénovée, admise…..projetée et de Louise Narbo dans sa fréquence, l’évocation sensible de ce qui a fui.

 

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CHAMBRE 812 ©Louise Narbo

 Certaines notes apposées sur l’image dans un retour du document, du petit mot griffonné à la main, disent l’essentiel d une plus grande résonance de la « fusion » des mots coulés amoureusement dans la corps de l’image, on peut réfléchir, en reposant le livre, en le fermant, à cette étrange aventure de la vie et à son témoignage, une vie de là bas qui reformule son présent depuis ici et maintenant dans une sorte de vertige, devenu atemporel, voire présent à tout jamais.

L’ empreinte de la chambre 812 restera ce qui est de cet escalier en bois, des photographies d’une fumée de cigarette à travers laquelle on reconnait un cheval, des toits de Paris à travers un vasistas, la cafetière et son ombre, les jambes sagement croisées, à l’érotique présence des mains masculines avant la soutenance de la thèse, avant le « saccage », un lit défait au matin dans l ‘absence, un ciel gris surgissant entre les toits, une rue déserte en pleine nuit avec un seul passant, cette longue chevelure blonde vue de dos, ce ciel d’hiver quand l’ombre d’un chien errant se sur-imprime au jeu de marelle taillé sur le bitume gris et que s’affirme cette béance aux réconforts de ce qui a fui, le réconfort des reflets de l’eau de la Seine, la course des pages écrites sans sommeil, le sommet de l’effort, la thèse et toute la sarabande des heures rapportées, soudain exsudées par le livre, dans un rapport à l’organicité sauvage, discursive, aléatoire, comme un film à la voix improbable, incroyablement actif.

 

 

Née en Algérie, Louise Narbo s’installe à Paris au lendemain de la guerre d’indépendance. Elle aborde la photographie argentique au début des années 1980. C’est en 2006 qu’elle s’engage dans un parcours d’auteur et commence à exposer d’abord en France puis en Europe. L’aléatoire, l’intuition et la libre association sont ses outils de connaissance mémorielle et d’exploration de la vie intérieure, obscure comme les rêves.

Après des études de lettres, de sociologie, d’économie et quelques voyages, Dominique Perrut a mené de pair un parcours de consultant et d’universitaire d’une part, de romancier et de nouvelliste de l’autre. Il publie régulièrement des chroniques dans diverses revues littéraires. Patria o muerte, son troisième roman (Denoël, 2010), a été salué comme « l’invention d’une écriture ». On y retrouve ses thèmes majeurs : l’articulation de la scène intime avec la comédie sociale, pour démonter la mythologie d’une époque ; la composition polyphonique ; l’écriture de soi qui joue avec le voile de la fiction.

«  j’ai commencé un journal personnel, en 1974. Si je tente aujourd’hui de caractériser mon parcours d’écriture, cela tourne autour de trois mouvements. L’engagement autobiographique dans les journaux tenus assez réguliérement ; le refus du roman dans sa forme conventionnelle ; le désir, enfin, d’articuler la scène de l’intime avec celle du social, où l’enracinement dans une histoire singulière constitue un levier pour le tableau critique de la société. »

 

 

 

h-480-w-640-zc-1-louise-narbo-photographie-1727377962 CHAMBRE 812 ART éditions PHOTOGRAPHIE https://www.louisenarbo.fr/

https://www.arnaudbizalion.fr/photographie/193-chambre-812-louise-narbo-dominique-perrut.html

http://www.dominique-perrut.org/fr/ecrivain/parcours

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