les ZoaZos de Katherine REY

L’EN-CHANTEMENT DU MONDE par KATHERINE REY

A être mis en présence de la peinture de Katherine Rey, on est immédiatement
séduit et interrogé tout à la fois.
Qu’est ce donc que cette histoire de zoazos qui volent ou s’élèvent en plein ciel?
Séduit parce qu’ en soi immanquablement un espace se dessine, agit, interroge, et
que ce double mouvement est une clef.

Il faut déjà en revenir aux sources même du langage : séducere, être à l’écart, être

transporté, et placé devant une autre réalité intérieure( non psychologique), un autre
temps, le temps des oiseaux qui volent et s’envolent mais dans ces carrés
précisément délimités dans le ciel. Une poïesis est mise en oeuvre, antique, un appel
de l’Augure et des Auspices comme également en même temps être convié au tout
début de la Création, au 6eme jour, avant que l’homme ne soit fait, aux
commencements à tout ce qui est vol, plumes, Air, Terre, tout ce qui en haut comme
ce qui est en bas, précepte HERMÉTIQUE, action du vol des oiseaux: IN AUGURES
ACTIONES…

IN AUGURES ACTIONES…

N’était ce pas là très précisément l’action des Augures qui dans le monde antique
délimitait dans le ciel grâce à leur bâton sacré, le litus, un carré ou un rectangle,
constituant ainsi le premier TEMPLUM, le premier temple, pour y lire les signes et se
saisir à travers la CONTEMPLATIO des signes adressés par le ciel, les dieux, pour
ensuite les transmettre aux hommes?
Nʼest-ce pas la là lʼaction entrevue de la peinture de Katherine REY, liée aux
fondements symboliques du chant, de la naissance du Verbe, la résonance du
LOGOS, ici, une surface animée et active, silencieuse et prophétique où lʼoeil
sʼéprend de la vision intérieure et se projette sur la toile pour évoquer ce temps
sacré qui précéda la création de l Homme ?

Le ciel intérieur

Les zoazos de Katherine Rey sont donc de cette nature, ils volent en ce ciel intérieur,
ils sont doués de ce langage, très sûrement subtils et enchanteurs, réjouissants,
pépiements de temps et d’espace, d’être là, psaumes doués où la plume et le chant
célèbrent l’Air, le Ciel. Mais ces sonorités sont toutes Intérieures, mises en
mouvement par la peinture, guidées par elle et créant ce chant qui ANIME, souffle
devenant Chant dans lʼannonce de ce que sera le Verbe, La Poiësis, Orphée et Pan,
Appolon, couche nuptiale teintée de ciel que Matisse, Braque, Picasso perçurent si
nettement.
Extérieurement les toiles sont silencieuses et ce silence active cette superbe
instance poétique, le temps de la souvenance, de l’anamnèse: j’entends le chant qui
précède le chant. Opération donc a minima Magique et voyageuse….
On ne saurait imaginer le Paradis sans lumière, sans le chant des oiseaux.(
poétique de l’Air et de la Terre) , oiseaux dont parle ce grand Soufiste duXIII siècle,
Farid-Ud-DinʼAttar, dans son merveilleux ouvrage » la langue des oiseaux », relatant
tout au long dʼune fable la recherche par le peuple des oiseaux de leur Roi des
oiseaux pour leur Roi.

ZOOGRAPHOS

Autre rapprochement également sur cette résonance partculière de la peinture de
Katherine REY en ces zoazos, (néologisme reprenant la racine grecque Zoa, les
animaux, ce qui est vivant), et l’écriture des textes qui en parlent: Plutarque dans le
Gloire des Athéniens écrit: » Les peintres montrent les actions comme sur le point de
devenir (et c’est bien là pour moi l’essence de la peinture de Katherine REY), les
récits les narrent comme étant devenus. » ainsi le peintre se dit en grec zoo Graphos,
celui quii écrit la Vie, la vie écrivant ses possibles comme avant l’action définitive qui
donnera à l’écrivain l’occasion de fixer ce qui est advenu, et donc ce qui est passé.Le
récit suppose donc la fin de l’événement, l’image, la Peinture , les fresques antiques
sont indicielles, prémonitoires, précèdent l’événement que lʼhistorien décrira a
posteriori.

Et ces images ont alors également la puissance de faire advenir ce qui n’est pas
encore là, ce qui est avant, ce qui se passera après, le jour suivant, le point
majuscule de la Création : L Homme
Décalage entre le ciel et le terre intérieure, les zoazos de Katherine REY
ensemencent l’espace et le temps où ils ont été séparés de la naissance de l Homme
par la main divine en cette Génèse oubliée et donc perdue. Voilà ce que leur envol
signifie pour moi profondément, ce qui est montré, évoqué ici est un temps qui
précède l’Homme. et pourtant l’appelle, pour suggérer peut-être que toute part
d’humanité aurait pour matrice l’enchantement du chant des oiseaux, et que celui-ci
pourrait être ce creux précédant le plein, l’appelant en contre-point….résonances
sibyllines.
Approche pourtant tout en douceur ou le Corbeau ne paraît point, mais ou la
Colombe et le Phénix sont rois, oiseaux symboliques pour toujours dans l’IMagina
Universelle.
C’est dire que les peintures de Katherine REY font partie des fondements aperçus de
l heure et qu’elles nous disent cette part enchantée et perdue puis retrouvée grâce à
elle.

Les ZOAZOS

C’est dire que les ZOAZOS de Katherine REY nous basculent en plein ciel, en plein
temps , qu’ils ouvrent des espaces vertigineux et clairs, qu’ils touchent de leurs ailes
magiques le temps et l’espace sacré, vivant dans un temps d’avant le récit, avant
l’énonciation, au plein coeur de nos racines ailées et mythiques, au coeur même de
notre psyché, dans un bruissement d’ailes ravissant et que leurs chants se
prolongent en nous aussi loin que notre antécédence nous fonde, jusqu’à la nuit
éternelle et joyeuse, peuplée du chant de l’aube, point nodal de l’axe des mondes, à
l’heure du premier chant, à l’éveil du bruissement ENCHANTEUR où tout se fond et
renaît, comme ce Phénix rouge ou ces colombes blanches
s’approchant de la lumière primordiale.
De quoi évoqué discrètement la figure de lʼAnge…et son vol silencieux et nuptial.
Quand lʼAube paraît… ou les secrets transmis aux Mystes à Eleusis, quand la
partition entre le monde et les dieux nʼexistait pas encore et quand le monde était
habité par les Dieux, quand l homme vibrait par le sacré et que son chant était
encore induit par la langue des oiseaux, les yeux toujours ouverts à lʼImmanente et
transcendante Beauté.
L’ en-chantement du songe, voilà ce que la Peinture étoilée de Katherine REY
suppose et donne en partage, un voyage aux confins des Temps et des Mondes, afin
de refonder sa propre unité, cʼest dire que tournée vers le Un, sa peinture en est
devenue universelle dans son essence.
Pascal THERME

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