OLIVIER MONGE,RÉSIDENCE MAROCAINE

le projet photographique d’Olivier Monge (de l’agence MYOP) explore l’identité et le patrimoine ancestral de Marrakech : l’eau et les palmiers. Marrakech s’est construite autour de l’eau qui arrive directement du proche Atlas. Au fil des siècles, les aménagements hydrauliques ont permis, malgré le climat aride d’en faire La ville jardin.

palmier-13NC OLIVIER MONGE, RÉSIDENCE MAROCAINE ART PHOTOGRAPHIE

Palmier 7/ Olivier Monge

« Depuis 30 ans, l’urbanisation de la ville et sa modernisation ont complètement changé le système hydraulique millénaire, remplaçant les bassins de réserve et les khettaras par des canalisations souterraines. De la même manière, la palmeraie a fondu pour laisser place à l’agrandissement de la ville. Les deux identités propres à cette ville ont, en très peu de temps, disparues visuellement du paysage.
Je propose donc une interprétation de ce patrimoine désormais invisible comme une métaphore de sa disparition et la recréation d’un souvenir. Le patrimoine est une notion qui se transforme au fil du temps et des cultures, c’est une idée construite. De la même manière, je construis des images à partir du matériau patrimonial : l’eau, le palmier, la khettara, l’oued. Pour l’eau et le palmier, la superposition de dizaines de photographies fait apparaître une trame, une matière nouvelle nous laissant libre de construire un nouvel imaginaire. Pour l’oued, la khettara, c’est la notion d’échelle et de contexte qui disparaît faisant place à une sorte de cartographie, de vue aérienne ou satellitaire qui serviraient à montrer un territoire et son identité géographique. Pour le brise-lame, le contexte est aussi perdu dans cette lumière très dure mettant en avant l’aspect sculptural et intemporel de ces objets qui protègent les ponts. » Olivier Monge

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Oued 20 / Olivier Monge

Le travail photographique d’Olivier Monge se situe à la limite du visible, issu d’un noir organique,  il interroge un passé enfui, faisant migrer l’image hors de son statut vers un imaginaire pictural, source du  métissage d’une photographie plus plasticienne et d’un travail à partir du noir, une référence à Soulages y est inscrite, dans le surgissement ou l’avènement de cette lumière qui traverse le temps. Une quête visuelle s’éprend de cette recherche du temps perdu, au delà des mutations, comme pour se saisir de ce qui est enfoui,  enfui, images fantômes, concrétions d’instants, perdus et retrouvés à la faveur de cette nuit talismanique qui hante le photographe ; non pas dans son éblouissement, mais dans son geste à rebours vers les fondements du temps, compris ici, comme couches, strates,  archéologie sensible d’un voir à travers. Le regard doit passer dans l’invisible de ce qui a été perdu et revenir au jour pour restituer ce qui a été trouvé, sorte de chemin retors s’enfonçant dans ce passé à travers un noir abyssal où parait  cependant un enchantement, se dessine alors un chemin  plus mythologique, celui d’Orphée.

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Eau 10, ©Olivier Monge

Traversée du regard, de l’invisible, du temps, toute une anti-photographie, puisque ne s’égraine plus ici l’opération délicieuse de se prendre à la lumière du jour et d’en fêter la joie ; mais d’entrer dans la caverne platonicienne à l’arrachement de l’ombre, au retournement de soi vers la lumière, dans le noir de la nuit chtonienne, à la recherche des ombres, des voiles des palmes,  multiplication des battements de cils, des sédimentations, des chemins résiduels, au coeur de la nuit, nuit des résidences sur la Terre comme aurait dit Neruda ou celle des entrailles qui disparaissent à mesure qu’on avance et dont le sommeil s’étend sans horizon…Le photographe se fait complice de sa nuit , de la nuit, de l’ombre, intérieurement, il sédimente son expression photographique, il apprend à retenir cette fluidité du temps, sable mémoriel, instance qui échappe. et qui fonde cette autre expérience du temps, du noir, des apparences et de toute photographie revenue aux fondements du regard.

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©Olivier Monge

l faut voir métaphysiquement le noir comme la matière même de l’organicité de la mort et du néant et, dialectiquement, comme la condition de sa naissance, de sa progression, de son cheminement. Une lutte assagie par l’inconscient du photographe fait appel à une surdétermination de l’abîme dans un système poétique qui inverse les valeurs de la nuit et du jour, pour fonder une approche spatialisée du temps et de ses strates.

Le noir est ainsi devenu une matrice à la place d’un néant et c’est précisément dans ce renversement que, le projet photographique peut dimensionner ce qui n’avait encore ni dimensions ni existence ; juste l’idée d’une préexistence, une prémonition. Nul doute qu’ Olivier Monge a vécu ce projet dans un aller-retour, permanent, genèse issue du chaos, apparitions à mesure d’empilements ou à travers une permanence de pierre. La partition des oueds recouvert par les temps qui se sont succédés et ont accouché de mutations qui ont corrélativement enfoui, fait passer les lieux anciens sous la ville actuelle physiquement puis, confiés à la mémoire le soin de se souvenir des altérations et autres allitérations d’une pensée sensible qui déborde le champ de la photographie, en se rapprochant du mystère de ce qui fait encore photographie, dans cet au-delà du visible.

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©Olivier Monge

Pilier 9/ Olivier Monge

Il faudrait analyser plus avant le système de valeurs qui joue à travers les chapitres de cette résidence et, en signifier les rapprochements dans une autre production amie, aimée, celle de la compagne du photographe, Roxane Daumas, qui expose actuellement de grands dessins à la galerie Dominique Fiat, Base Martha, pour exemple Pierre noire sur papier 208x145cm et dont la parenté, les dialogues sont à mon sens le lieu d’une co-création qui s’exprimerait chez chacun, donnant ainsi lieu à une topologie miraculeuse et productive d’un couple d’artistes…. se jouerait-il là un retour du mythe d’Orphée sur plusieurs niveaux et dans une distribution différente?

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©Roxane Daumas, Base Martha

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