la MAISON CAILLEBOTTE, présente PRÉSENCES sous ce titre, la grande Collection Gilman et Gonzalez-Falla, sous le haut commissariat de Valérie Dupon-Aignan.
« Le pouvoir de la photographie réside d’abord dans l’œil du photographe puis dans la réponse émotionnelle et viscérale du spectateur. »
“The power of photography dwells first in the eye of the photographer, then in the emotional and visceral response of the viewer.”
Sondra Gilman
« L’exposition majeure du printemps sera consacrée aux portraits et aux regards les plus marquants de la collection Gilman et Gonzalez-Falla. Cette année 140 photographies, presque toujours des tirages argentiques d’époque, seront présentées autour d’une thématique nouvelle de portraits.Ces « Présences » qui côtoient leurs collectionneurs nous accompagneront à travers une histoire de la photographie car la plupart des artistes sont des photographes majeurs de la fin du XIXe siècle à aujourd’hui, en Europe et aux Etats-Unis.. » extrait du site institutionnel de la Maison Caillebotte
« Débutée en 1975 et forte aujourd’hui de quelque 7 000 images allant du XIXe siècle aux années soixante, la collection Gilman est l’une des plus remarquables au monde.
Un choix de 140 photographies de la collection photo de Sondra Gilman et de son mari Celso Gonzalez-Falla, presque toujours des tirages argentiques d’époque, sont présentées autour d’une thématique de portraits.
Une exposition à ne pas manquer, qui voyagera ensuite dans plusieurs musées européens et américains. » est-il mentionné en exergue de la présentation du catalogue de l’exposition.
La Maison Caillebotte à Yerres présente Présences, une exposition des Trésors photographiques de la Collection Gilman et Gonzalez-Falla, jusqu’au 22 Septembre 2024, comptant cent quarante tirages photographiques glanés par le fameux couple de collectionneurs sur toute une vie, présentant aux publics des chefs d’œuvres bien connus, photographies souvent iconiques, appartenant à l’ histoire de nos cultures occidentales et à cet imaginaire collectif actuel. L’exposition est organisée par la ville de Yerres sous le commissariat de Valérie Dupont-Aignan, directrice de la Maison, Caillebotte, qui propose ici, non seulement une pérégrination à travers l’histoire de la photographie, de nombre de ses icônes, mais aussi une lecture en quelques 14 chapitres de l’aventure que fut pour Sondra Gilman, et Celso Gonzalez-Falla, une histoire ayant porté beaucoup de joies et de contentements…
C’est dire que, parisiens, nous avons la possibilité de pouvoir échapper le temps de quelques heures, le temps d’un week-end à la folie de la ville pour se rendre à Yerres, à la Maison Caillebotte, afin de découvrir ces trésors photographiques exposés dans la plus pure tradition muséographique, pour avant tout, y retrouver une respiration, s’accorder à la visite du parc, magnifique dans sa luxuriance printanière, prendre un café ou une table à l’excellent restaurant qui jouxte l’exposition, visiter la maison Caillebotte, l’Orangerie, l’ exposition des grandes photographies de Béatrice Helg (jusqu’au 23 Juin, – voir mon article à ce sujet), retrouver en ce lieu tout un art de la flânerie, un temps pour soi, un temps secret, assez proustien, quand la limite des heures est franchie, que l’activité se retire et que l’action se concentre, dans une sorte d’intimité secrète, ce lieu où l’on se repose des tensions, des tracas, pour qu’à nouveau, la respiration se faisant plus douce, la proposition de plus hautes joies se fasse claire.
Ici à la Maison Caillebotte, tout s’allège, le beau temps revient en soi, nous sommes alors prêts à recevoir le cadeau qui nous est fait, si, bien sur, on aime la photographie, son histoire, ses Maîtres. Valérie Dupon-Aignan a l’œil très sur, fait preuve d’une vraie liberté de penser; ses choix en matière de classement et d’approche de la présentation de cette collection sont un outil formidable pour pouvoir nous laisser improviser un voyage augural au sein de ces cent quarante images et d’entamer cette conversation secrète , à travers son travail, en relais de celui du couple de collectionneurs, dont, on imagine les coups de foudre, dans une autre aventure, la leur, une autre joie, une autre ambition.
Sur les cimaises de l’exposition, tout s’assemble, l’humeur première de cette lecture d’un film, fait de moments éloignés en apparence, mais, de fait, immédiatement présents, éclaire ces deux siècles d’histoire, traversés par tous les personnages de la Condition Humaine, dans une universalité de ce que fut la vie, ici et là, en 1867, comme en 2018.
Je trouve, pour ma part que tous, sont assez actuels, contemporains de ce que nous sommes aujourd’hui, finalement, peu lointains de nos fragilités, de nos peurs, de nos ambitions, de ce sang qui coule, alors que l’Histoire se fait au devant de ce qui nous apparait comme un retour du destin et de l’implacable obscurcissement des temps. Nos question restent semblables, même si les questionnements qui les formulent à un moment ou à un autre ne semblent pas se recouvrir tout à fait, c’est de fait le privilège du temps qui façonne et qui passe, comme, bien sur, le flux de l’Histoire dans son cours.
Julia Margareth Cameron, Frederic Sommer Bather Mexico, Julia Margareth Cameron, Sir John Hershel.
Il y a, au sein de ce mouvement, trois aventures qui se se lisent dans une mise en liens et dont le spectateur est le dernier interprète: tout a été fait pour son plaisir, pour faciliter son aptitude à la réception de la Collection, en dons et au Travail…. Voilà pourquoi, tout est si simple pour ce promeneur solitaire, tout est juste; aucune escarbille ne peut envahir cet œil complice, qui, penché, comme chez Truffault, à la fenêtre de ce train lancé en pleine nuit, cet œil complice ne peut souffrir aucune gêne; la nuit est claire et défile à pleine vitesse, lentement, délicatement, rapide, intense, comme si ce temps de la Collection était paradoxal, temps du miroir, spéculaire, temps de l’Histoire, Présent d’éternités, en mouvements sur lui même, échos des voix chères qui se sont tues, passages secrets, jeux de l’ombre et de la clarté, animations, souffles, récits, voyages, anamnèses, respirations, parfums, eaux mercurielles, sagesse et drames….présences.
… tout a été conçu, magiquement, c’est à dire très rationnellement pour que la liberté du lecteur, vous, moi, tous, nous puissions encore, déjà, rêver, être, sentir, s’éblouir, se questionner car, à travers cette collection, il y a la matière de tous les scenarii, et de bien des personnages qui hantent encore, parfois, cette mémoire du temps, poreux, insaisissable, directement, et, dont ici, nous avons la ferveur de la trace, la signification sage et brulante, l’envers de cette physique des passions et de leurs trajectoires, dans leur être là, hic et nunc, fixées par tous les magiciens, que sont les grands photographes, ces âmes généreuses à l’œil certain, à la main sure, au cœur prodigue, dans ce don généreux qu’ils nous font constamment, et qui s’appelle la photographie, ce temps retenu dans son grain, sur la peau, élogieux des psychés, manifestant magistralement l’essence de toute temporalité dans l’inscription des sels d’argent insolés aux rythmes de la passion et de l’amour…
…et nous sommes, dans ce sage maelström, ce ralenti, qui, convié aux chocs de ces présences, le magnifique portrait qui fait l’affiche et la couverture du catalogue nous regarde intensément présent, nous invite à ces réjouissances, au plus profond de ce temps consacré, plongé en lui même, droit dans les yeux, avec fierté, sans se départir de cette beauté du scandale et de l’Éros, merveilleusement incantatoire, solidaire et provoquant, intime audace des temps, avec a-tension et joies… le temps est alors cette matière solaire, éblouissante, cette clarté qui tient lieu de fanal et de phare, ce guide du secret de ce que le temps est en soi et pour tout humain, un voyage qui nous transforme, qui nous hèle, qui témoigne de notre trop humaine condition, nous élève et nous chavire, nous accuse, nous émeut, dans ces mouvements de l’âme cherchant au delà d’elle même ce qui les a traversées, émues, aimées, adoptées, rejetées, élues, puis oubliées…..
C’est alors que ces voyages font l’histoire de la photographie, rendant contemporain, aussi bien les personnes photographiées par Julia Margareth Cameron que ce portrait de Rania Matar, Léa, La maison rose, Beyrouth, 2019, en passant toute cette photographie Sud américaine, européenne, nord américaine des Edward Steichen, Diane Arbus, Jacques Léonard, Willy Ronis, Luis Gonzalvez-Palma, David Hilliard, Robert Mappplethorpe, Andy Wharol, Edward Curtis, Sally Man, Helen Levit, Frederik Sommer, Joël Meyerovitz, William Klein, August Sander, Paul Strand, Walker Evans, Nan Goldin, Diane Arbus, Leon Levinstein, Louis Stettner, Joseph Szabo, Arthur Fellig Weegee, Lewiw W.Hine, Dorothea Lange, Berenice Abbott, Cameron, Man Ray, Henri Cartier-Bresson, Ray K Metzker, Bill Brandt, Joseph Sudek, Nick Brandt, pas moins de 94 auteurs, des images naissent de ces passions, traversent les temps, ré-habilitent en retour ces temps oubliés, oublieux, pour clamer dans un silence général, par delà le brouhaha de l’époque, le cri dont la vibration gravite, et pour longtemps, sur toute face du monde, claire, victorieuse de la peine et de l’ombre, joyeuse de sa vérité, légère comme un songe et forte d’elle même.
C’est alors que nous comprenons l’envie physique du collectionneur, du couple de passionnés, de conjuguer toute cette lumière en noir et blanc, majoritairement, tous ces tirages vintages, preuves qu’une existence est un soleil qui nait, monte jusqu’à son midi, éblouit puis redescend vers l’horizon, accordant dans ses rayons toute la nuance de la saison et de l’heure en son voyage, plumeuse et de chair de bois sidéral déployée, comme en son roman, toute la vie pour aborder sa nuit, ou, luit encore, dans la fraicheur, sous les étoiles, le grand rayon des jours, la preuve tangible et fragile de son passage, la preuve de ses présences, la belle mutation de ce cri à son chant, de cette énergie primaire, à cette poétique magistrale, de feu le plus souvent, ayant inscrit son texte dans l’écriture des formes et des corps, de ce qui échappe, pour la plupart du temps à la vue, et, qui est ici, le regard aigu qui raconte et qui parle.
L’exposition MAISON CAILLEBOTTE, PRÉSENCES est à ce titre déjà toute une réussite, dans sa mise en situation, sa mise en scène, la présentation des œuvres induit tout une intimité dans une valeur partagée, celle d’un immense amour pour le regrès de ce qui s’accomplit, dans l’irréversible de nos jours et dans ce chant mémorable de ce qui établit, à jamais, la preuve que nous avons été là…..pratique de cette photographie, dans le champ de l’intimité, largement socialisée aujourd’hui et dont l’action, dans la production d’images, est, dans ce différentiel entre l’art et la pratique sociale de l’image pour chacun, affirme une distinction, un changement de plan, de paradigme, plaçant le travail des Maîtres de la photographie, sur le plan général de l’époque, de l’Histoire, de l’Universel.
Un partage se fait donc quasi « naturellement » dans cette circulation du sens, à travers les trois acteurs qui sont ici assemblés, la collection et le couple des collectionneurs, matrice du don, les choix de son commissaire et de ses équipes, dans la pertinence du travail, comme dans cette proposition de relais si juste et si parfait, et dans celui des visiteurs, a qui s’adresse, évidemment, la royale proposition dans son corps et son esprit…
Cet effet est une aventure, celui de re-situer en soi, les souvenirs qui affluent de sa propre histoire et de ses rencontres précédentes avec ce Bruce Davidson, Brooklynn gang, Coney Island, NY, 1959 pour exemple – mais où l’ai-je vu pour la première fois, dans quelle revue exactement, à quelle occasion., à quel âge, ou cette autre, 1963, Dwarf holding Flowers, ou ce Larry Fink, ce Paul Strand, ce Frederik Sommer, ce Little man de Lisette Model, cet auto-portarit de Man Ray, 1924. Il est curieux de constater qu’ainsi s’égraine en soi, une sorte de recherche des premières fois où le cœur a reçu cette lumière, le plus souvent, lumière qui fait naître une autre lumière, par ce petit miroir orienté vers le monde et dont le reflet a voyagé, sur la surface du monde, pendant tout ce temps, qu’il fut conservé, gardé, secret, ou qu’il se fut mis à courir le monde de New-York, à Paris, du Texas à Yerres.
C’est pourquoi, en ces temps de saturation, n’hésitez pas à porter vos pas au devant de ce film qui n’ attend pas, en ce lieu retiré et actif, vers cette lanterne magique aux mille feux, au rêve prométhéen prodigieux. C’est là que se trouve une jouvence et son eau claire, dans le souffle de cette photographie, humaniste, sensible, qui raconte toujours différemment, toujours précisément son histoire dans ses récits, et qui n’a cessé finalement d’être cette épreuve de Vérité qui nous séduit tant pour nous délier de nos faux-semblants. Cette poétique de la lumière, des êtres qui bruissent en cet autre côté du miroir, afin d’éclaircir cette Présence de l’Universel au sein de toutes ces Présences, dont la nôtre aujourd’hui, reste, pour moi, un fanal précieux dans la tempête qui s’annonce et l’opportunité de revivre le chemin, si personnel et si privé qui m’a lié à l’image et à cette photographie, dont l’Histoire gardera précieusement la mémoire.
N’hésitez pas, allez vous exposer aux feux de cette collection, il y a là, un miroir qui parle.
MAISON CAILLEBOTE, PRÉSENCES est un relais actif de la conscience plastique actuelle.
Le Catalogue de l’exposition, excellent ouvrage, est en vente sur place.
catalogue exposition Coédition Maison Caillebotte, Yerres / In Fine éditions d’ar
Sommaire
CE QUE NOUS AIMIONS / WHAT WE LOVED
LE FILS PRODIGUE / THE PRODIGAL SON
HYMNE À LA VIE / ODE TO JOY
LE RENARD PHILOSOPHE / THE PHILOSOPHER FOX
LE FOL AMOUR / LE FOL AMOUR
SONDRA ET CELSO / SONDRA AND CELSO
ARTISTES ET MODÈLES / ARTISTS AND MODELS
COMPOSITIONS / COMPOSITIONS
C’EST L’AMÉRIQUE ! / THAT’S AMERICA!
ENFANCES / CHILDHOOD
DANS LES RUES / IN THE STREETS
SOLITUDES / SOLITUDE
JOIES / JOY
MIROIR DU MONDE / MIRROR OF THE WORLD
https://www.maisoncaillebotte.fr/
https://www.maisoncaillebotte.fr/expositions/2024-presences-498.html
https://infine-editions.fr/publications/presences/
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